La cathédrale des épines

La nuit leva son voile obscure sur l’une des nombreuses régions désertes d’Anfauglith.
Paysage apocalyptique de désolation, la plaine des épines, appelée ainsi en raison de l’unique bâtiment encore debout, était une lande rocheuse aride impropre à la vie. Aucune végétation naturelle ne poussait et pas un seul édifice ne tenait très longtemps du fait des nombreux tremblements de terre. Des tempêtes d’éclairs magnétiques et des failles d’où s’échappait parfois des coulées de lave, parsemaient irrégulièrement les lieux et finissaient la plupart du temps par décourager les plus téméraires.
Là, dans cet endroit que ne renierait pas les enfer eux-mêmes, se dressaient un sombre édifice plusieurs fois millénaire. Architecture gothique torturé, hérissée de pointes et d’emplacement de gargouilles vide, la cathédrale des épines était un mystère pour tous les savants qui avaient eut le courage de se pencher dessus. Comment, malgré l’agitation naturelle ou surnaturelle des environs, cette bâtisse tenait elle encore debout ? A n’en pas douter, la réponse toute mystérieuse n’avait rien de naturel. Quoi qu’il en soit, cette énigme attirait parfois la curiosité de quelques courageux. Ou bien étaient ils fou ?
Mais la cathédrale ne devait pas sa réputation à sa seule longévité résistante. En effet, sa renommé venait également du fait de son gardien, tout aussi vieux qu’elle… .

La nuit leva son voile obscure sur la plaine des épines et du faîte de la plus haute tour d’une cathédrale du même nom épineux, un être de pierre s’éveilla. Mendu Sada étira ses membres rocheux et s’extirpa de son sempiternel sommeil cauchemardesque.
Grand, massif et musculeux, il dégageait une impression de puissance brute. Ses yeux brillaient d’une lueur verdâtre et d’immenses cornes saillaient de son front.
Bientôt, la torpeur des siècles fit son office et la gargouille oublia les songes passés de terreurs, de combat et de mort. Il ne subsista que le souvenir de la souffrance. Celui-là était le plus vivace.
L’être d’obsidienne pourpre, une rare et ancestrale matière minérale, regarda alentour et ne discerna que cette immuable désolation. Le temps avait beau passer, rien ne semblait vouloir changer.
Mendu, ancien chef du clan Sada, proclamé par on ne sait quelle légende obscure roi montagne, déploya ses formidables ailes et s’apprêta à s’élancer dans les airs.

Il était temps cette nuit de quitter sa retraite trop longtemps couvée. Cela faisait presque un siècle que Mendu Sada n’avait pas quittée sa cathédrale et pas loin de cinq cent années avaient passées sans qu’il ne rencontre quiconque. Le monde devait l’avoir oublié. Il était temps pour le roi montagne de se faire rappeler à son bon souvenir. Pour le meilleur ou pour le pire... .