Crystal Kid

Bon ben voilà. Crystal Kid, 9 ans, un beret brun tout ce qu'y a de plus typique sur la tête. Une salopette, de la même couleur. Il la porte toujours, elle était bleue à l'origine. Et sous le vêtement crade, une chemise, rouge-brune. Enfin, ça reste qu'un détail. Parce que côté allure, on apperçoit d'abord sa tronche à ce gosse. Jamais on ne verra enfant plus cerné que celui là. Cerné, le regard éteint, des mèches de cheveux noires tombant comme de l'encre sur sa frimousse horriblement vieillie. Les mains dans les poches, les genoux tremblottants. Crystal Kid, Benjamin Banville de son vrai nom, est orphelin. Et plus important encore, il est toxicomane. Bah ouais putain ! Où vous croyiez qu'il lui vient, ce surnom ?...

Crystal Kid l'a apprit à la dure, la vie. Il trime pour une bande de paumés de rue, et spécialement pour Mr. Piment, son vieux sage de clodo toquard, son pote de toujours, fumeur de cigares et racconteur d'histoires. Et puis...

... BON.

Avant de continuer, faudrait mettre quelque chose au clair. J'ai un sacré mal de tête, ce qui ne change pas vraiment de mon habitude, mais qui crée tout de même un léger pépin ; la naissance d'un caprice. Et ce caprice, c'est que je veux que la putain de personne qui est en train de lire ces lignes comprennent à quel point écrire peut être chiant. Franchement. Qui de nos jours, se perd encore dans la fiction ? Moi je le fais. Trop souvent aux goûts de certain, et trop peu encore aux miens. Alors voilà...

Crystal Kid, son éternelle clope à la gueule, marchait dans les ruelles de Paris... En ce glorieux 18 mars 1923...
- Hey Kid où est-ce que tu t'pousses ? lança Maxime, un pote à Benj.
- Nulle part, j'm'en vais bouffer la gueule à l'une de ces trippailleuses du fourré ouest, répondit-il de sa voix placide, sans même se retourner.
Max prit quelques secondes pour comprendre ce que voulait dire son compagnon, puis continua sur sa lancée ;
- T'es trop jeune Benj ! Ya pas une seule pouf qui voudra faire tripette avec un morvton dans ton genre !
Crystal Kid grommela. Il lui collait vraiment aux basques, ce lascar. Prenant une taff de sa clope, l'air soudain carrément inconfortable, le jeune toxico arrêta de marcher et exécuta d'amples mouvements de mains pour souligner son indignation.
- T'as pas à savoir où je glande, tétard. Tu me foutras les boules une autre occaz, là j'ai à faire et je veux pas de bambin dans mes pattes, tu piges ?
Les sourcils du Kid étaient froncés, rajoutant à ses yeux morts une impression d'âge tout à fait surnaturelle.
Max acquiessa en silence. Contre ça, il y avait rien à faire. Kid avait besoin de sa dose, probablement... Et puis il y avait Sandra, la fille de la couturière, qui allait peut-être prendre son bain dans la fontaine... Max haussa les épaules, fit mine d'être en colère pour faire comprendre à son ami que cela ne pourait pas toujours fonctionner ainsi, et lui lança quelques mots que l'autre ignora absolument. Un vague mouvement de tête, et les deux gamins se séparèrent.

Crystal entra alors dans un champ hors de la ville, et en profita pour ingérer quelques champignons qu'il avait dans sa poche. Ça goûttait pas bon, mais ça ferait patienter en attendant la délivrance de la seringue... Le visage du môme se crispa. Dans son visage il n'y avait que hargne... Hargne pour ces idiots qui ne savent pas quand au fond nous les visons de nos propos, qui rigolent bêtement et vivent des vies peinardes à se sentir coupable de futilités et d'ignorer tout ce qui compte... Oui il méprisait ces riches et ces bourgeois, tant que ces ivrognes qui ne savaient que se pleindre. Sans parler de ces femmes qui ne savaient pas se donner. Lui même... pourquoi elles ne voyaient pas qu'il avait déjà suffisemment vécu ??! Quelles connasses pleines de préjugés et d'immondices ! Des incultes, des ignares ! Peut-être lui ne savait pas lire, mais au moins il savait user de toutes ses connaissance avec une expertise à faire pâlir le commun des mortels. Commun puéril qui ne sait jamais à quel point on peut le haïr...

Qui ne sait pas changer en conséquence, surtout ! Le jeune jeta sa clope, se massa le front. Ça faisait mal. Tout ce bordel faisait mal. Tous ses organes aussi, et ses os et ses nerfs. Enfin... au moins la nicotine rendait cela vivable en attendant la prochaine injection. Le gosse continua de marcher et arriva devant le pont. En bas, il y avait des bruits. Les sens commençaient à s'exacerber, les couleurs et les teintes se fusèrent et un brouillard vint obscurcir les... Les champignons. Le Kid grimaça. Il n'en avait pas beaucoup prit, mais son estomac était fragile car il s'était peu nourrit ces dernières 72 heures. Au moins, cela ralentirait l'effet un instant...
Il écouta attentivement ce qui se passait sous le pont. Soit son lieu de rendez-vous avez son dealer et ses compagnons de piqueries. Bref, ses meilleurs potes, à l'exception de Mr. Piment...
- Qu'est-ce que vous avez là ? demanda un homme.
- Heee bah... rien. Répondit un autre.
Crystal Kid grommela. Ces crétins s'étaient fait pincer. AVANT sa dose. Absurde. Et le manque qui se faisait sentir... Non, les champi ne lui faisaient pas aujourd'hui, il avait besoin de sa piquûre, et... et... TOUT DE SUITE !
Le gendarme sortit son arme et visa la clique de drogués, légèrement inconfortables. C'est alors que le Kid descendit et arriva derrière le gendarme, sans faire de bruit, fouillant dans sa salopette. Son regard était fiévreux - et à raison ! Il venait d'ingurgiter des champignons vénéneux ! - et ses yeux rougis fixèrent coup sur coup le gendarme et la seringue dans la main de son compatriote. C'est alors qu'il sortit un revolver...

Le gendarme se retourna, hébété, sentant le contact du tube métalique dans son dos... Quelle fût sa surprise... Et combien courte fût-elle... d'appercevoir un gamin au visage blasé et défait, plantant une arme à feu contre son dos. bang! t'es mort!
Le flic s'écroule, et le groupe d'hommes reste surpris.
- Hey vous vous la bougez oui putain ou ben vous restez là à me mater foutre ce condu à la flotte ?
Le fou rire prit le groupe, dont quelques membres se déplacèrent alors pour aider le gamin à pousser le policier à l'eau. Ce qu'il était tordant ce gamin, pensaient-ils. Tordant, ingénieux, et un rien effryant par moment. Luigi, un barbu chauve et souriant, tendit à Crystal Kid ce qu'il attendait depuis le début ; la seringue pleine de vitamines methzienne - methaéphydrinales, pour être plus exact - et se la planter goûlument dans ses jolies petites veines déjà bien noircies.
- Hey ho jeunot. Tu nous ferais pas le coup de l'accro hein ? Hahahahaha
Le barbu se mit à rire de la plaisanterie, suivit par les autres. Benj, quant à lui, resta de marbre.
- Ho ta gueule Luigi ou toi aussi je te crâme la bouille. Si z'êtes passé à une touche d'êt' buté par un bleu, c'est bien une preuve que z'êtes vous même des accro heh !
Les rires baissèrent d'un cran, mais Luigi, en particulier, souligna bien un ricanement de profonde aise envers le petit garçon au tempérament d'homme. Souriant enfin, les yeux dans le vide, le principal intéréssé sembla littéralement fondre sur place, lorsqu'il conclu la voix sèche et détachée ;
- Au fond on l'est tous...
Le gamin regarda le vide, prit dans son délire, les yeux rouges et vitreux, entendant à peine les rires renouvellés de ses comparses. Les papillons lumineux voletaient autour de sa tête, alors qu'un ange lui murmurait nombre de tendresses. Et sur sa peau amoureuse de vie les notes du vent lui firent comprendre que la victoire était sienne, car quelqu'un quelque part avait suivit et sentit l'essence même de sa vie se rendre jusqu'ici.

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