La Guilde

[Aerin rentre d'un voyage, qui l'a emmenée à travers tout le Continent du Feu.]

Cela faisait bien deux saisons que l'Elfe Grise n'était pas rentrée chez elle. Son sac lourd de quelques richesses supplémentaires, elle arrivait à Glingal fatiguée, alors que le soleil décidait de se coucher après une longue journée de rayonnement, sur les terres rouges du royaume.

Sa cape sombre sur les épaules, elle se dirigeait discrètement vers sa demeure, au dernier étage d'une bâtisse importante de la ville. Elle grimpe rapidement entre deux murs d'une ruelle voisine, sautant d'un à l'autre, sur des petites excroissances de briques, qui font un escalier insolite et invisible aux non-initiés. La femme rejoint le toit de la maison, et cours à pas de chats, prenant son élan pour un petit saut de 3 mètres. Elle se réceptionne sans soucis, saut qu'elle a effectué plus de milles fois durant le siècle écoulé. Elle fait le tour du toit, et à l'opposé, dans l'ombre de la lune, elle passe par une trappe camouflée parmi les tuiles.

Aerin est dans son refuge, et elle allume une petite bougie. Utilisant une méthode commune du commun des mortels, le souvenir de ses pouvoirs incandescents revient à son esprit arranchant un juron chuchotté de sa bouche, la haine des éléments revenant incessament. Dispersant ses pensées parasites, elle s'approche d'une bâche, qu'elle soulève pour découvrir une grande caisse en bois. Toujours en faisant usage du silence, elle ouvre la caisse, libérant une fléchette qui lui passe à quelques centimètres de la joue, pour se planter dans la poutre derrière elle. Machinalement, elle la reprend, et remet le mécanisme en place, remontant ce piège si simple, mais si efficace pour éliminer les intrus. La lueur de la bougie relfète sur une surface métallique.

Elle retire son bracelet, et le place sur le coffre, puis le tourne d'une manière connue d'elle seule. Quelques clics délicats plus tard, le coffre s'ouvre. Cette fois, la lueur de la bougie danse et se réjouit d'une telle richesse dorée, argentée, cuivrée. Les lumières parcourent quelques gemmes. L'Elfe vide son sac dans le coffre, avant de le refermer, et remettre son bracelet à son poignet. La caisse se referme sous son impultion, puis elle remet la bâche en place.

"J'ai du hériter de l'attrait des richesses d'Obsidior." se dit-elle en ressortant de son chez soi, non sans avoir vérifié que son maigre mobilier est toujours présent.

Elle se dirige vers une taverne qu'elle connait bien, étant une entrée secrète pour une Guilde d'Assassins amis à elle. Aerin se dirige vers cet établissement, et refait l'inventaire des objets qu'elle possède. Quelques pièces d'argent, et de cuivre pour payer ses consommations, deux pièces d'or au cas où, sa dague en dent de Dragon et sa dague alchimique à sa ceinture. Habillée de son justaucorps noir, et d'une chemise de lin claire sous sa cape doublée de fourrure et de cuir, elle traverse les ruelles sombres, passant quelques groupes de personnes qui la laissent passer sans mot dire. Ses bottes de cuir dur, avec leurs lames en écailes de dragon cachées, montent jusqu'aux genous, et des guêtres en cuir souple et léger lui habillent le reste des jambes. Sa chevelure flotte derrière elle, douce et argentée sous la lune, voletant telle une aura qui suit sa tête.

Aerin arrive finalement à "La Guilde", l'établissement qu'elle cherchait. Elle se dirige immédiatement vers le bar, et parle avec l'Aubergiste, avant d'aller s'asseoir à une table. Située dans un coin, elle peut observer tout les clients de La Guilde. Un gnome fait de la musique sur une table, applaudit par les trois femmes présentes à ses côtés. Un homme mystérieux est assis dans un angle, lui aussi observe le gnome. D'autres clients entrent et sortent pendant quelques temps. Puis l'Aubergiste viens lui dire un mot.

-Ils n'ont rien ce soir, ni les quelques jours qui suivent.
-Très bien.

L'Aubergiste la regarde, attendant une suite à son discours si court.

-Je reste, je prendrais bien un verre de vin.
-L'habituel?
-S'il vous plait.

Aerin se fait servir un verre de son vin favori, doux et souple au gout. Alors qu'elle déguste le breuvage, un homme entre dans la Taverne...

Aerin avait suivit l'échange avec intérêt, connaissant les limites de l'Aubergiste. Presque couchée dans son siège, elle avait les pieds sur la table. Sa main s'était aventurée vers sa botte, prête à en retirer une lame, et la lancer à la gorge de cet homme si étrange, s'il en était venu à attaquer l'Auberge.

"Comme il serait mal tombé, il doit y avoir la moitié de la Guilde dans l'arrière..." pense-t-elle alors que le voyageur s'éloigne du comptoire en direction de la porte, de grandes oreilles pointues en désaccord avec son visage d'homme.

-D'où viens-tu voyageur, pour ne pas avoir soif dans une Taverne?

Aerin reste telle qu'elle est, ses bottes sur la table, son regard gris flirtant avec la lumière des bougies, lançant des rayons qui dansent dans ses cheveux brillants. Elle sourit chaleureusement vers cet être qui semble si renfermé, et seul... Elle reprend la parole avant qu'il n'ait le temps de dire mot, tandis que le gnome et les femmes s'éloignent un peu, changeant aussi discrètement de table que le peuvent des gens ivres.

-Tu n'est pas d'ici, je connais les gens d'ici. Si c'est de la monaie qu'il te manque pour te raffraichir, sache que je peux t'y aider, à condition que tu me raconte ton histoire, et tes voyages. Sinon, tu peux aussi me raconter tes voyages, sans recevoir la boisson...

Aerin sourit à nouveau, son envie de découvertes sociales refaisant surface, elle qui voyait se profiler une soirée si morne et terne, peut-être pourra-t-elle en savoir plus sur un voyageur, une vie de plus dans sa mémoire d'Elfe, un ami peut-être? Ou un ennemi qui se ferai connaitre, encore un? Un compagnon de route pour sa prochaine destination?

Elle allait certainement le découvrir très prochainement...

Son ragard grissona la salle quand la femme l'interpela. Cherhant du vide complet de ce yeux, cette derniere. Il apercevit enfin une femme, assit presque couché sur un banc, les bottes sur la tables. Il la regarda longuement avec un regard voulant tout dire. Il ne voulait rien dire ou faire, mais finalement une prhase s'echapa de ces lèvres.

"Je n'ait n'y passer, mais un futur certain, je n'ai pas de souvenir, mais ma mémoire est pleine, je n'est pas de vision, mais je sais ce qui arriveras...Si c'est cela que tu voulait entendre, tu est servit, sinon...je ne peux en dire plus, sur ce que je ne sais pas."

Il se retourna vers la porte et marcha lentement vers cette derniere. Juste devant le bois brun, il s'arreta net sur le sol marteler par les pieds des clients qui étaient deja passer ici. Il porta un regard a la jeune femme, mais ce n'était pas le même regard, il était plus...comment dire, plus accrocheur, on aurait dit qu'elle seul pouvait percevoir c'est yeux et c'est paroles.

"Oh et enlever vos pieds de cette table...c'est très inpolie..."

Dit il. Il leva sa main et deux de ces doigs ce leverent aussi, laissant les autres dans sa paumes. Les doigts commencerent a monter un peu plus haut, ainsi que les pieds de la jeune femme. Il les baissa lentement et les pieds de la jeune femme toucherent lentement le banc, il baissa son bras et l'emprise gavitationnelle s'arreta, il ouvrit lentement la porte et lanca finalement un dernier regarda a la femme.

"Oh et c'est vin est magnifique..."

Un pichet de vin a la main il en but une petite partie. Le pichet de vin de cette denrier était dans les mains de Pumpkin, comment l'avait il fait, personne n'avait vu le pichet bouger. Il referma la porte et s'eloigna peut a peut de l'auberge, un petit sourire au levre, presqu'inexistant.

[Je m’occupe de l’homme mystérieux mentionné par Aerin]

Glingal…Là où tout avait débuté, là où tout avait chaviré. Quel meilleur endroit pour savourer l’une des dernières soirées de repos qu’il s’accorderait avant un long moment. Il venait de prendre ses dispositions pour quitter le royaume de son enfance dès demain, et il comptait bien profiter de cette nuit pour se remémorer dans une doucereuse mélancolie bien arrosée de la mort des êtres chers qui composaient autrefois sa famille.

Il avait laissé son armure en lieu sûr, préférant le confort d’une luxueuse tenue bourgogne et noire pour déambuler des les rues de la capitale. À la fois plus esthétique et plus convivial… Il laissa le hasard guider ses pas, prenant à gauche ou à droite selon sa fantaisie du moment. De toute façon, pratiquement tous les quartiers de cette ville détenaient leur bonne part de souvenir…Ici résidait autrefois la première jeune fille avec qui il échangea un baiser. Là, la première ruelle où il s’était fracturé un bras des suites d’une mauvaise chute. Tant de spectres d’événements révolus planaient au-dessus de cette ville qu’il se mit à croire que son retour ici ne consistait peut-être pas en une excellente option.

Il prit bien garde cependant à ne pas se rapprocher de son ancien domicile familial. Il doutait de sa propre réaction s’il revoyait la tombe des parents et de son frère, ou encore à la vue de l’auberge, transformée en échoppe de tisserand selon les dernières rumeurs. Non, il ne croyait pas avoir la force de le supporter…

“Lâche!”

Oui, très probablement.

Il erra ensuite de tavernes en auberges, à la recherche d’un endroit où se complaire de son malheur en paix maintenant son désir de déambulations assouvis. La plupart des établissements qu’il croisa l’avaient tous déjà employé à un moment ou un autre, et il s’éloigna prestement de ceux-ci, de peur d’être reconnu. Il ne voulait tout simplement pas être importuné par d’anciennes connaissances, qui lui réclameraient poèmes et contes. Il n’avait plus l’âme à ses trivialités.

Il se souvint d’un endroit, doté d’une ambiance…particulière et possédant quelques tonneaux de l’un des meilleurs crû du continent de cette décennie. Il l’avait fréquenté à quelques reprises, lors de son précédent séjour, et y avait trouvé plusieurs informations fortes utiles pour mener à bien sa vengeance contre le meurtrier présumé de son père. L’aubergiste, d’une courtoisie irréprochable à son égard, lui avait laissé une excellente impression. Presque aussi bonne que celle de son vin, en fait.

Il retrouva avec joie l’ambiance mélangeant avec succès mystère et convivialité, caractères que semblaient partager la plupart des clients réguliers. Il décerna un hochement de tête au tenancier, et constata de par son léger sourire qu’il l’avait reconnu. Il leva un index, geste auquel Velix répondit d’un hochement de tête affirmatif. Il ne put s’empêcher de louanger intérieurement l’incroyable mémoire de l’aubergiste : malgré tout ce temps et tous les gens qui avaient transités par cet endroit, il se rappelait de qui il était, et de ce qu’il désirait boire. Il alla s’asseoir dans un coin et s’installa confortablement sur sa chaise, se laissant bercer par les pulsations de chaleur émises par le foyer. Il avait décidément choisi le bon endroit pour passer sa soirée… Attendant sa consommation, il détailla plus attentivement la flore locale. Quelques hommes et femmes anodins, en train de discuter de sujets divers, desquels il ne connaîtrait jamais rien de plus qu’un vague souvenir de leur visage, entrevus dans le faible éclat des flammes de torches.

Un gnome animait la soirée, faisant naître d’harmonieuses sonorités d’un curieux tuyau en forme de « V » disproportionné et troué en de multiples endroits. Trois jeunes femmes aux frontières de l’ivresse l’encourageaient bruyamment. Une jeune serveuse vint lui apporter une bouteille et lui servit un verre avec chaleureux sourire, que Velix lui rendit poliment. Succulent, comme dans ses souvenirs. Constatant avec un certain cynisme que certaines choses ne changeaient pas, il se surprit à se rappeler l’époque où c’était lui qui animait les soirées, des demoiselles à ces pieds. Le bonheur qui l’habitait alors, la naïve insouciance des cruautés de ce monde… Tout cela avait bien changé…

Il remarqua du coin de l’œil une nouvelle arrivante, qui s’entretenait avec le tavernier. Plongé dans ses souvenirs, il ne l’avait pas vu entrée. Une elfe, à en juger par son apparence. Il s’en désintéressa rapidement et replongea dans sa contemplation distraite du musicien physiquement diminué.

« Pourquoi te tourmentes-tu ainsi ? Ce qui est fait est fait, tu ne peux rien y changer, et tu ne gagneras rien à le ressasser comme tu le fais. Ne me dis pas que tu n’as déjà plus le courage d’avancer ?! Je savais que ton espèce se constituait principalement de mauviettes, mais là, je dois avoir gagné le gros lot… »

Il ferma les yeux dans un effort de volonté pour chasser l’esprit démoniaque, qui commençait sérieusement à l’énerver. Il semblait avoir trouvé une cachette au fond de sa conscience, et trouvait de plus en plus de manière de se manifester. Il devrait probablement revérifier son sceau, pour s’assurer que sa cicatrisation ne compromettait pas l’intégrité du glyphe.

Un tapage attira son attention : un curieux personnage, arborant une..citrouille ?... comme couvre-chef faisait des siennes. Il assista à la scène sans broncher, se demandant si l’individu oserait s’en prendre au tavernier, qui jouissait vraisemblablement du support d’un grand nombre en ce lieu. Finalement, les choses semblèrent se calmer, et l’elfe entreprit d‘établir le contact. La tentative se solda par un cuisant échec néanmoins, qui entraîna même la perte de son pichet de vin. Vraiment un curieux personnage, qui laissait de surcroît dans son sillage une dame à l’air fort dépité. Chopant une coupe au comptoir, il alla s’attabler à la table de l’elfe avant que celle-ci ne revienne et lui servit un verre. Lorsqu’elle revint vers lui, il l’invita cordialement, un sourire de circonstance aux lèvres :

« Pour compenser la cruelle perte de votre vin, laissez-moi vous offrir un verre. Cette soirée est beaucoup trop magnifique pour la gaspiller en imprécations contre un rustre ayant besoin de se prouver à tous les gens qui croisent sa route »

Aerin se sent comme tomber vers le plafond, tomber dans un vide insondable, mais tout en restant immobile, elle ne bouge pas. Ou presque pas. Ses jambes se déplacent seules vers le sol, la forçant à reprendre une position assise. Une vive colère la prend, elle veut détruire cette personne, mais avant toute réaction possible, l'homme aux oreilles poitues quitte la taverne, un pichet de vin à la main. SON pichet de vin.

Absente quelques instants, son esprit vagabonde entre les sensations qu'elle vient de ressentir, et la colère qui ravage ses entrailles. Elle ferme les yeux quelques instants, cherchant à se calmer. "Il est déjà parti, c'est impossible d'aller le chercher." se dit-elle. Elle inspire profondément, et se décide à aller chercher un nouveau pichet de ce si bon vin. En expirant, elle ouvre les yeux pour découvrir un homme.

Interessant cet homme, il lui dit quelque chose, mais elle n'entend pas, concentrée sur son apparence, cherchant à déterminer qui il est. Jamais elle ne l'avait vu ici. Une larme rouge, on dirait du sang, perle sous son oeil. Ses cheveux en bataille, son visage fin, son sourir inexistant.

Aerin se rend compte qu'elle le fixe, sans avoir donné de réponse aux paroles qu'il a dites...

-Pardon, la colère, la surprise, la curiosité, m'ont fait perdre mes manières. Qu'avez vous dit auparavant?

Il répète ses paroles, ce qui amène un sourir sur le visage d'Aerin.

-Voilà une bien galante manière d'aborder une personne, c'est avec plaisir que j'accèpte.

Elle remplit son verre de vin, puis fais de même avec le sien. Amical et beau, mais si froid et renfermé. Aerin se demande bien à quoi peut ressembler un sourir sur les lèvres de cet homme, tant il a l'air indifférent. Mais son regard déterminé... A peine a-t-elle fait santé et dégusté les premières goutes du vin, que l'Elfe enchaîne la conversation, ne laissant à peine le temps à l'humain de reposer son verre.

-Qui êtes-vous? D'où venez-vous? Racontez moi ce qui vous plait de dévoiler...

Aerin pose les coudes sur la table, joint ses mains, et appuie son menton dessus. Elle sourit, et regarde cet homme droit dans les yeux, une flammèche visible au fond ses pupilles de l'Elfe. Son expression est celle d'une enfant au coin du feu, qui attend que son grand-père raconte une histoire, impatiente mais calme.

"J'aurais quand même trouvé quelqu'un qui parlera, et sera sociable avec moi ce soir... C'est si morne d'être sans emploi, peut-être aura-t-il quelque chose à me proposer?" pense Aerin, alors qu'elle attend la réponse de l'homme dont elle ignore le nom.

"...de partir aux quatres vents... ...mon nouveau départ..."

Les paroles sonnèrent dans l'esprit d'Aerin, "il va partir à l'aventure, une occasion de bouger, je vais prendre, s'il me le permet!" l'envie de voyager avait refait surface.

-...que passer, à la recherche d’une distraction quelconque?
-Je suis une habituée de cet endroit. Depuis son ouverture à vrai dire, je connaissais son grand-père...
désignant le Tavernier
...alors qu'il n'était qu'un enfant.
Ses mains s'affairent avec son verre de vin, ses yeux fixés sur le liquide rouge, comme si elle l'étudiait.
Vous avez vu juste, je suis une Elfe. Aerin je m'appelle. Chant des Flammes, Vent Pourpre, il y a plusieurs significations!
Un voile passe sur son expression, rapidement dissipé par sa bonne humeur.
Je vous dirai bien mon nom entier, mais ça ne ferai que sonner tel une chanson de printemps...

Le regard de Velix en dit assez, et elle se résigna à lui dévoiler son nom dans son entier. Elle ramène une mèche derrière son oreille gauche, ses cheveux ayant décidé de l'embêter en cet instant. Son regard se baisse, sa tête est tournée vers la droite...

-Aerin nith'wen, Aer'Filadan na'iornen.
Sa voix sonne clairement, mais discrètement, à mi-voix. La mélodie des syllabes enchaînées se trace dans l'air, qui semble tressaillir dans leur sillage.

Elle fait une pause dramatique, le regarde dans les yeux, et s'amuse de son théatre, mais aussi de ce nom qu'elle n'avait pas prononcé depuis trois décénies. Trois décénies. Bien plus longtemps que la vie de cet homme avec qui elle parle, et si court pour elle. Elle reprend la parole, sautant du coq à l'âne.

-Vous n'avez que vingts années... Si court, comment pouvez-vous être nostalgique, en si peu de temps? J'ai vécu plus d'un demi-millénaire, vous êtes comme une ride sur l'étang, un souffle dans la tempête qu'est le monde! J'ai envie de dire "Profite, humain, ta vie sera courte, quoi que tu fasse!" mais j'ai l'impression que vous le savez déjà...

Elle amène son verre à ses lèvres, bois une petite gorgée. Elle attend une réaction de ce Velix, ayant encore des choses à dire, mais le temps de les étaler. Une pensée la traverse, "Il aura peut-être oublié mon nom entier, ce serait bien..." sans qu'elle n'en sache le pourquoi.

Étrange comme les apparences pouvaient tromper. Ce n’est pas qu’il venait d’en prendre conscience, loin de là, simplement qu’il en prenait à nouveau conscience. Son interlocutrice semblait pratiquement plus jeune que lui, et pourtant, le squelette de Velix aura le temps de devenir impeccable sous la délicate attention d’une nuée de vers avant qu’une seule ride ne vienne marquer son visage immuable. Il se demanda comment lui-même réagirait face à sa propre immortalité, avant de laisser tomber en sachant qu’heureusement il n’aurait jamais à faire passer cette question théorique dans le domaine appliqué.

Malgré toutes ces années, il aperçut un léger pétillement au fond de ses prunelles à la mention d’un départ. Adepte de voyage, fugitive, affaires à régler ? Il n’en avait aucune idée, pour le moment, mais il supposait qu’il pourrait parvenir à la convaincre, si un tel désir lui en prenait et qu’il manoeuvrait adéquatement. Il y avait de pire compagnon de route qu’une elfe plusieurs fois centenaire, il en était certain, mais il voulait en savoir plus sur elle avant de l’embarquer. Après tout, la suite serait diamétralement opposée à une partie de plaisir.

Lorsqu’elle prononça son nom, Aerin, Velix eut l’impression d’entendre le refrain d’une mélodie sans âge, puissante et indomptable, incomplète en elle-même mais ouvrant une infinité de possibilités. Possibilités qui se précisèrent lorsqu’elle osa, sous son regard inquisiteur, le lui révéler dans son intégrité, ajoutant quelques notes à la symphonie sans toutefois la compléter. Expérience plutôt hors du commun, qui confortait son opinion sur les intérêts de voyager à proximité d’un membre du peuple elfique. Pourtant, la prononciation à voix haute de son magnifique nom sembla quelque peu l’ébranler, comme si ce dernier ravivait certains souvenirs, ou bien qu’il ranimait certaines réalités bien enfouies. À chacun ses démons intérieurs, semblait-il…

« Votre nom ne fait pas que sonner comme une chanson de printemps ; il en incarne véritablement une. La plus délicate ode à la vie, à l’espoir, au renouveau et à la beauté qu’il m’ait été donné d’entendre, de surcroît. »

Une chose était certaine : pour autant qu’il ne parviendrait jamais à le rendre avec justesse, jamais il n’oublierait les syllabes mélodieuses qui composaient son prénom ni la voix de sirène qui les avait murmuré. Pourquoi diable n’y avait-il pas plus d’elfe en Glingal ?

*Tu peux remercier mes congénères pour ça!*

Toujours aussi désagréable que possible, celui-là…

-Vous n'avez que vingts années... […] mais j'ai l'impression que vous le savez déjà...

« Merci de ces paroles de sagesse, Aerin. Et c’est bien ce conseil que j’entend suivre en quittant Glingal, même si le terme « profiter » ne convient pas exactement. Rassurez-vous : je ne passerai pas le restant de mes jours dans un repliement apathique sur moi-même, bien au contraire. Je veux souffler plus fort que la puissante tempête, monter plus haut que la plus gigantesque vague, pour que dans mon sillage ne reste plus que calme et confort. »

Il leva son verre pour ponctuer sa remarque, puis en prit une longue gorgée. Cela faisait du bien d’énoncer à voix haute ce dont rêvait son âme, mais l’endroit ne se prêtait pas exactement à ce genre d’élans. Ni probablement les oreilles qui venaient de l’entendre. Il pourrait probablement faire passer cela pour les élucubrations d’un poète fini, ou d’un homme étrange.

« Pour ma nostalgie, je l’ai déjà mentionné, elle n’est que temporaire, et elle a lieu simplement parce que je me permet ce petit retour sur mon passé. Peut-être également que je vois ce répit comme l’homme qui embrasse pour une dernière fois ce qui lui est cher avant de plonger dans le vide. »

Il servit à sa compagne et à lui-même une nouvelle coupe, vidant de ce fait la bouteille, avant de poursuivre.

« Loin de moi l’idée de vouloir vous déprimer de quelque façon que ce soit, mais depuis tout ce temps qui vous sépare du moment de votre naissance et malgré cette apparente joie de vivre qui émane de vous telle la chaleur dégagée par une flamme vive, ne ressentez-vous pas, vous aussi, une oppressante nostalgie en repensant à tout ce que la vie vous a repris, ou plutôt, tout ce que ce monde vous a repris? Surtout si vous côtoyez le monde des hommes depuis quelques générations…»

Voyant l’elfe se renfrogner, il réalisa qu’il avait peut-être poussé un peu fort. Après tout, il ne la « connaissait » que depuis une demi-heure, tout au plus! Il fit un discret signe de la main à l’aubergiste, qui lui répondit d’un hochement de tête.

« Mes excuses les plus sincères pour cette question des plus déplacées! La nostalgie devrait être limitée aux âmes solitaires, et elle se manifeste par-elle avec suffisamment d’aisance sans qu’il faille en plus lui offrir l’occasion de faire sentir sa présence! Que diriez-vous de passer à un sujet de conversation un peu plus jovial ? Par exemple, que veniez-vous faire dans cet agréable établissement ? En espérant que vous ne répondiez pas que vous veniez vous saouler à mort pour oublier le décès de votre père, qui s’est étouffé avec un os alors qu’il cannibalisait votre mère… »

Il fit un léger sourire en coin, pour s’assurer qu’Aerin comprenait bien que sa dernière phrase n’était bel et bien qu’une malsaine tentative d’humour.

Aerin sourit lorsqu'il parle de son nom. Alors que Velix lève son verre et boit une longue gorgée de sa coupe, elle ponctue ses paroles. "Plus fort et plus haut. Cet homme est ambitieux, et sait quel est son chemin, son but. Contrairement à moi..." les pensées d'Aerin se mettent en pause alors qu'il reprend sa tirade. Lorsqu'il lui sert les dernières goûtes de la bouteille de vin, son esprit vagabonde. "Vit-il sur son passé, et en tire-t-il sa force? Veut-il partir sur une quête qu'il juge sans espoir?"

-...une oppressante nostalgie... ...ce que le monde vous a repris...
Presque immédiatement, le souvenir de la Grande Plaine débarque dans sa conscience, mettant désordre et colère dans son esprit. Ses parents et ses grands frères morts au combat, trahis par les leurs ou détruits par des démons. Sa soeur jumelle qui a sombré dans la tristesse, et dont elle n'a plus eu de nouvelles depuis deux siècles. Et elle, Aerin, qui continue sa vie, seule, avec pour seul espoir le retour de l'équilibre dans ce monde déchiré, dans le futur qui ne cesse de rester futur pour la laisser dans son présent. Les sentiments de haine et de colère vis-à-vis du monde font surface sur son visage d'albâtre, lui donnant une expression terrible, dénuée de toute beauté pendant quelques courts instants. Les paroles hâtives et désolées de l'humain raffermissent sont contrôle, qu'elle a failli lâcher ici et maintenant. Ses sentiments noirs auraient prit possession de son corps pour en faire une bête de haine et de sang. Elle ferme les yeux, et pousse un long soupir, exaltant sa colère par cet air. Elle recouvre un visage serein. Sa main brusquement amène le verre de vin à ses lèvres, et elle vide le liquide d'une traite élégante et rapide. Aucune parole du discours de Velix ne lui échappe, ni la note de détresse dans sa voix. L'accord d'humour dans sa dernière phrase sonne de manière plaisante à ses oreilles elfiques.

Aerin regarde Velix dans les yeux une fois qu'il a fini de parler, son léger sourire sur ses lèvres, qui étaient restées fermes durant tout leur échange. "Il se dévoile petit à petit?" L'Elfe repense rapidement à ses paroles, et décide qu'elle peut lui faire confiance. Il a une sorte d'Aura ferme et presque matérielle. Alors que sa réponse tarde à venir, Velix semble perdre un semblant de composition, à peine perceptiblement.

-J'ai... Elle ne peut pas lui dévoiler ce qui est arrivé à sa famille il y a deux siècles, et ferme les yeux, visiblement troublée par cet instant. "Un temps viendra où nos passées seront connus." Une respiration plus tard, elle reprend sa phrase inachevée.
-Savez-vous seulement à qui appartient cet établissement? En quelques sortes, j'y travaille... Son regard fait comprendre à Velix qu'il ne s'agit pas de faire dame de compagnie, serveuse ou danseuse. Froids et perçants, ses yeux dénotent d'une force cachée et d'une assurance à toute épreuve. ...de temps en temps, mais je travaille aussi dans d'autres villes de l'île, mais aussi du Continent. Cependant, je suis sans contrat pour le moment, et... Aerin marque une pause, et son regard s'aventure sur les rainures du bois de la table. ...et je suis... à la recherche d'un voyage, d'une aventure. Son regard remonte le long de la table pour retrouver le regard de son interlocuteur.

Aerin ne mentionne pas qu'elle s'ennuie fermement de sa vie actuelle, et qu'elle veut retrouver sa soeur jumelle de tout son coeur, mais aussi découvrir les Déesses qui doivent subsister quelque part, pour avoir une explication orageuse avec elles. Elle ne dit pas qu'elle attend un futur qui tarde à venir...

Elle attend la réponse à sa question implicite, "puis-je voyager avec toi, homme qui a une quête?" se remémorant les paroles dites au sujet de son nom.

La réaction de l’elfe grise, lorsqu’elle se remémore quelque souvenir manifestement désagréable, laissa Velix perplexe. Son expression faciale venait de changer du tout au tout, passant de la franche jovialité à une espèce de tristesse sans fond, rapidement remplacée par un air de révolte et de colère. Elle bouillonnait intérieurement tel un volcan au bord de l’éruption, mais elle parvint finalement à se contenir, en s’envoya une bonne rasade de vin pour se rassenérer. Tout comme il l’avait initialement cru, Aerin était une passionnée intense, avec tous les éclats et les transports que cela impliquait.

Elle tarda cependant à reprendre la parole, comme si elle réfléchissait à ce qu’elle allait dire. En ces quelques secondes, elle décidait de son opinion sur lui, tentait d’établir qui il était vraiment de par ses paroles, sa locution et ses gestes, ainsi qu’elle décidait du degré de vérité auquel il aurait droit. Il voyait tout ce cheminement se dérouler au fond de ses yeux calculateurs. Mais ce moment s’étirait un peu trop, et Velix craignit que l’épisode du retour sur le passé lui ait fait dresser un mur autour d’elle, et qu’il venait de la perdre. Heureusement ce ne fut pas le cas, bien au contraire. Elle sembla même sur le point de lui faire part d’une révélation importante sur elle-même, mais se ravisa à la dernière minute. Sage décision, au fond, considérant le peu de temps qui les séparait de leur première rencontre. Si elle oeuvrait bien dans le milieu que Velix croyait, une telle prudence représentait même un inconditionnel. Le fait qu’elle fit sur le point de lui révéler cette chose le surprit cependant, lui faisant réaliser qu’il avait gagné un peu plus sa confiance qu’escompté.

Lorsqu’elle mentionna le fait qu’elle travaillait dans cet établissement, une étincelle naquit dans les Iris de Velix, alors qu’il s’imaginait l’elfe en corset trop serré et en jupe trop courte en train de servir à boire et de flirter avec un marchand ivrogne et bedonnant aux pommettes rougies par l’alcool. Elle s’assura cependant de désintégrer cette image d’un seul regard, révélant une solide force de volonté, ainsi que la froide conviction résignée propre à ceux qui ont déjà enlevé la vie volontairement. Le regard qu’il lui manquait avant d’aller plus loin, encore renforcit par la suite de son discours. Cependant, il se rappelait l’hésitation qu’elle avait eu quelques instants auparavant et qui l’avait fait douté l’espace d’un instant, et comptait bien lui rendre la monnaie de sa pièce…

Lorsque son regard quitta la table pour se porter à nouveau sur lui, il laissa planer un bon moment, immuable, la fixant avec intensité comme s’il tentait de se forer un chemin jusqu’à son âme. Puis, il prit la parole :

« Malheureusement pour moi, je n’ai pas la chance de compter le propriétaire des lieux parmi mes connaissances. Cependant, j’en connais suffisamment sur ce lieu pour voir au-delà de son apparence, et pour savoir que les belles ‘jeunes’ femmes qui y travaillent n’ont aucun autre point commun avec une dame de compagnie. »

Il laissa une petite pause, avant de poursuivre

« S’il n’y a plus rien qui ne te retiens ici pour le moment, et que tu désires véritablement parcourir le monde avec une dimension aventureuse, je suis convaincu que le capitaine responsable de mon propre départ ne verra aucune objection à ce qu’il y ait une passagère supplémentaire à bord de son embarcation…bien au contraire même… Et il me ferait véritablement plaisir de parcourir mon chemin en une aussi agréable compagnie que la vôtre! Par contre, je ne peux garantir votre sécurité, pas plus que la mienne d’ailleurs, mais je ne crois pas que ce soit un réel problème pour vous, n’est-ce pas? Et bien que je ne puisse pas non plus vous assurez que vous en retirerez de quelconques bénéfices pécuniers, j’ai tout de même l’impression que vous ne serez pas déçu à ce niveau. »

L’aubergiste choisi ce moment pour emporter la seconde bouteille de vin, commandée par signe il y avait peu. Velix ne put que louer la présence d’esprit de l’homme, qui avait cette fois choisi une bouteille correspondant aux goûts de l’elfe, ce qui lui valu un chaleureux sourire de remerciement de la part de Velix, et un généreux pourboire à son départ. Il servit à nouveau un verre à chacun et, le levant devant lui et plongeant son regard de celui de l’elfe, il ajouta

« Nous boirons donc ce verre à un départ. Il ne vous reste plus qu’à déterminer s’il sera à notre départ, ou bien au mien »

Bien qu’il s’était fait à l’idée d’accomplir ses buts en solitaire, il se prit à espérer que l’elfe accepterait son offre. Cela était d’autant plus ridicule qu’il n’avait aucune raison de croire qu’elle refuserait, mais tout de même. Et puis, si un jour il ne pouvait plus supporter le regard qu’elle posait sur lui, alors il se séparerait, tout simplement. Pour le moment, il apprécierait grandement une compagnie franchement amicale, pour autant qu’il soit possible de qualifier le « lien » qui les unirait alors d’amitié.

*Tu ne devrais pas te coltiner à une elfe. Tu le regretteras*

Encore une fois, de sa simple présence, ce démon parvenait encore à doucher son enthousiasme. Heureusement qu’il aurait bientôt l’opportunité de prouver son utilité...

Aerin laisse Velix parler. Son coeur bat un peu plus fort dans l'espérance d'une nouveauté, du voyage, quelque chose qui amènerait un souffle nouveau dans sa vie ponctuée de contrats divers, de rencontres simples et du temps qui passe. Il marque une pause après avec parlé des jeunes filles de l'établissement, ce qui met un sourire aux lèvres de l'Elfe. "Il sait donc que les filles de La Guilde sont des Assassins, ou équivalentes." Alors qu'il lui propose le voyage, Aerin s'étonne de l'entendre utiliser le "tu" en parlant du voyage, et de revenir au "vous" en parlant des dangers, et de la possibilité d'un voyage seul. Elle ne parvient pas à trouver raison à l'utilisation de la familiarité puis de la politesse, dans un même discours, et intriguée, elle observe alors qu'il ressert du vin, et lève sa coupe à un départ. L'argent n'est pas un problème pour l'Elfe, qui a accumulé une fortune importante sur les deux derniers siècles, par un travail assidu, et un manque d'intérêt pour les dépenses inconsidérées.

Le silence s'installe. Aerin n'hésite pas quand à la réponse, elle ne trouve juste pas les mots pour lui dire "partons!". L'intervalle laisse le temps à Velix d'avoir un petit mouvement, comme si une impulsion intérieur lui avait fait quelque chose. Finalement, l'Elfe prend la parole, un petit sourire sur son visage pur.

-Ce sera le notre Velix.

Aerin veut savoir où ils iront ensemble, et quelle est sa destination. Elle qui n'a pas quitté le Continent du Feu depuis près de deux siècles, et qui n'aime que très peu la navigation maritime, l'Elfe est prise d'une petite peur intérieure, celle de l'Eau. "J'espère qu'il ne va pas partir trop loin. J'aimerai bien retourner en Aegnor." A peine est-elle pensée, qu'elle dit sa phrase à haute voix, cherchant peut-être à l'influencer?

-Je me rappelle d'Aegnor, comme une région très belle, et pleine d'intérêts. Fait-elle partie de ton projet de voyage?

Lorsqu'elle prononce Aegnor, les notes de ce nom résonnent dans son esprit elfique. Comme Aerin, les deux premières lettre sont celle d'un Chant, ou d'un Vent. Mais elle ne se souvient plus de la signification de la fin, "nor". Retourner là-bas, rien que pour se rappeler d'un nom, c'est bien inutile, mais Aerin aimerait bien s'en souvenir. Elle n'y a plus mis les pieds depuis une cinquantaine d'années, et ça lui manque un peu... La réponse de Velix tarde de quelques secondes, à quoi pense-t-il?

Elle prend son temps pour répondre à son offre…trop de temps. Durant un moment, il met en doute sa capacité de persuasion, avant de prendre conscience d’une autre réalité, un peu plus troublante celle-ci. En une fraction de seconde, il avait interprété son silence comme un refus, une pause pour se chercher une excuse convenable, puis en avait conçu une vive déception. Une telle réaction envers une parfaite inconnue relevait nécessairement d’une profonde instabilité émotionnelle, ce qu’il ne pouvait absolument pas se permettre. S’il ne parvenait même pas à supporter le fait de laisser derrière lui cette elfe qui ne désirait même pas l’accompagner, comment se comporterait-il lorsqu’il aurait à abandonner ses compagnons ?

*Tu commences enfin à raisonner convenablement…*

Profondément plongé dans ses pensées, le commentaire du démon le fit sursauter imperceptiblement. Quand trouverait-il un endroit où se perdre, celui-là…

Finalement, malgré toute attente, elle accepta. Velix se refusa à en ressentir une quelconque joie, par principe. Il lui répondit toutefois d’un chaleureux sourire, avant de porter sa coupe contre la sienne et de boire une autre gorgée. C’est alors qu’elle lui fit part de son envie de retourner en Aegnor. La suggestion le prit de court. Certes, le fait qu’elle lui proposait une destination ne cadrait pas vraiment : si elle désirait vraiment se rendre en Aegnor, pourquoi avoir attendu dans une auberge que parfait inconnu se pointe et lui offre de l’accompagner dans ses périples ? Mais là ne résidait pas la véritable raison de son étonnement. Ni dans la relative proximité de ce royaume, qui n’avait strictement rien d’un pays exotique renfermant mille et une merveilles inconnues. Non, ce fut le feu qui brillait au fond de ses yeux lorsqu’elle souffla Aegnor qui le laissa perplexe. Il y avait quelque chose de douteux dans cette histoire, et Velix ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Son itinéraire initial devait le conduire à Träne , mais le périple serait atrocement long sans escale…

*Ne va surtout pas en Aegnor!!! Je te préviens que si tu t’y rends, je te le ferai regretter amèrement. Tu maudiras le jour où tu décidas de sortir de ton rôle de mortel ordinaire, je te le jure! *

Ce plaidoyer acheva de convaincre Velix de se rendre en Aegnor, simplement pour montrer au démon qui commandait

*Dommage, car j’ai bien envie de m’y rendre. Que crains-tu donc?*

*Ne te méprends pas: je crains seulement ce qui te trouvera en cette contrée. Je te connais, Velix Atlantis, car je vis en toi et je te ressens. Je commence à voir l’étendue de ton ambition, et à quel point tes fondements tremblent et ne te permettront pas de la réaliser. Tu n’as jamais rien eu de ce que tu tentes de devenir, jeune Velix. Tu n’es pas encore prêt pour Aegnor*

*Tais-toi! Tu ne sais pas ce que tu dis, et tu ne me connaîtras jamais! *

*Ta réaction me prouve néanmoins le contraire. Je vois juste, et tu le sais. Quant à comment je le sais…lorsque ton âme prendra le temps de se reposer à nouveau, tu comprendras. En attendant, tes instincts, eux, comprennent… *

Il chassa la voix de sa conscience, et réalisa qu’il devait donner l’impression de méditer depuis un peu trop longtemps. Il fallait qu’il trouve une explication à fournir.

« Marché conclu pour Aegnor! Si cette contrée recèle suffisamment de beauté pour y attirer votre attention, alors elle consistera en la première étape de ma quête. Je suis convaincu que je parviendrai à convaincre mon capitaine de nous y attendre quelques jours. »

Son sourire s’effaça quelque peu, et il poursuivit, d’un air plus sérieux seyant mieux aux conversations d’affaires.

« J’aurais cependant une offre à vous faire. Ou plutôt, une simple requête. Lorsque nous serons à bord, il se pourrait bien que j’ai besoin de vos compétences particulières. Rassurez-vous, rien que le bras vengeur de la justice n’aimerait accomplir lui-même, et encore moins quelque chose qui soit au-delà de vos capacités. Si vous acceptez, je m’occuperai moi-même de couvrir vos frais de voyagement, et nous serons alors libres d’explorer Aegnor à notre convenance. Bien entendu, je ne manquerai pas de souligner dignement votre réussite par un cadeau de circonstance dont vous ne trouverez pas à redire. »

L’ayant déjà appâtée par ses pulsions d’aventures, Velix ne doutait pas vraiment qu’elle accepterait. L’elfe se voyait déjà en train de vivre une épopée grandiose, ou du moins un voyage riche en rebondissements et en expériences de vie ; aucune chance pour qu’elle abandonne ces visions pour cette simple demande qui, de toute façon, allait peut-être la convaincre davantage de vouloir l’accompagner! Cela expliquait la confiance qui émanait de lui lorsqu’il demanda :

« Cela vous convient-il, Aerin? »

*Tu te prépares à faire la seconde plus importante erreur de ta vie, jeune humain impulsif… *