* Tora...Tora...*
Tel un souffle d'air qui se change en tempête, ce nom résonnait de plus en plus fort dans l'esprit de Syllia. La bouche légèrement entrouverte, ses pieds foulaient le sol couvert de feuilles orangées.
*Tora...Tora...*
Inlassable, elle avançait, toujours dans cette expression de béatitude divine. Les yeux à demis clos, elle s'arrêta soudain, et releva la tête dans une attitude de défi et d'agacement.
-" Tora!"
Un grand coup de vent balaya les feuilles avant qu'un silence pesant retombe sur Syllia. Elle resta là un instant, plongée dans ses pensées. Tora ne lui répondait pas. Pourquoi? Elle finit par reprendre sa marche, jetant par moment des regard inquiets vers le ciel. Le silence qui l'entourait depuis qu'elle avait quitté le village voisin commençait à l'agacer. Et Tora qui ne réagissait toujours pas. Et elle avait faim. Et....
-" Réagis! Parle! Ne me laisse pas!"
Syllia commençait à paniquer. Ce silence la rendait folle.Remarque, elle l'était déjà. Elle laissa échapper un rire amer. Folle. C'était ça. Tout le monde le lui disait, c'est que c'était vrai.
En vérité, si Syllia "n'entendait" pas Tora, c'est qu'elle doutait. D'habitude, elle était tellement persuadée qu'il allait lui répondre qu'il répondait. Mais voilà: le doute s'était insinué dans son esprit, et elle avait perdu confiance. Etait ce préférable?. Avant, elle avait froid, elle avait faim, mais sa foi, même si ce n'était que folie, la guidait. Mais si Tora n'existait plus, elle n'était plus qu'une adolescente perdue, loin de chez elle, sans rien. L'horreur aurait été totale.
Elle se tourna, croyant entendre un bruissement dans le feuillage. Elle regarda de tout les côtés, habitée par une fièvre brûlante, elle titubait, aurait voulu crier. Non! Tora existait, Tora l'avait aidé, il ne pouvait être qu'on vulgaire songe.Les larmes aux yeux, elle répétait:
-" Tora est, Tora est, Tora est. Tora est vrai, Tora est là, Tora est avec moi. Tora, Tora, Tora."
Quand elle eu reprit son souffle et qu'elle fut calmée, elle ferma les yeux. Et fondit en larme. Sans prendre la peine de s'essuyer, elle se mit à courir, à trébucher, se relever, courir, courir. Des mèches brunes lui tombaient dans les yeux, se collant à sa peau mouillée. Sa sacoche s'ouvrit, déversant son contenu -quelques fiole et une craie- sur le sol. Elle tomba à genoux, haletante, et ramassa tout à la va vite, les larmes ruisselant toujours sur son visage. Quand elle eu fini, elle resta là, immobile, une fiole toujours à la main.
Un quart d'heure plus tard, un paysan passa devant elle, sans qu'elle bouge ou le regarde. Voyant la fiole qu'elle avait à la main, l'homme s'arrêta, intrigué. Il renifla bruyamment une ou deux fois, avant de laissait tomber d'un ton bourru:
-" T'es une sorcière? 'Fin...un truc comme ça là? Eh, ptite!"
Syllia secoua négativement la tête sans pour autant regarder son interlocuteur. Ses yeux noirs fixaient un point invisible, et ses lèvres tremblaient légèrement.
L'homme se gratta le menton, perplexe.
-" Tu peux l'dire hein? C'est juste que..."
Il fini par hausser les épaules, et entreprit de continuer son chemin.
Il était à quelques mètres quand Syllia articula d'une petite voix:
-" Tora..."
L'homme se retourna, et s'empressa de revenir sur ses pas.
-" Quest'a dis?"
Syllia releva la tête, et le regarda d'un air de défi, les sourcils fronçés et la bouche serrée.
-" J'ai dis Tora! Tora existe. Crois en lui."
Elle avait utilisé l'impératif, et l'homme, qui n'aimait pas qu'on le commande, prit ça comme un ordre et la gifla.
-" Sur un autre ton."
Reprit t'il d'un ton mielleux.
Syllia resta à terre, la main sur la joue, se mordant la lèvre de toutes ses forces. Elle resta muette à toutes les autres questions du paysan, qui finit par partir, non sans l'avoir traité de folle. Quand il fut parti, la jeune fille émit un petit rire.
-"Ce n'était pas une bonne idée."
Dit elle pour elle même. Sa situation était pire qu'avant. Mais elle avait retrouvé confiance. Elle resta là le reste de la journée, se marmonnant des choses soit à elle même soit à Tora. Quand le soir tomba, elle ne bougea pas plus, et resta dans sa position assise, les yeux fixant les étoiles. Seule.