Genre : Drama, autobiographique...
Inspiration : Mon propre vécu
Disclaimer : Tout est à moi
À tous mes amis…
D’ici et d’ailleurs…
Mourir sous la furie du Diable
-Ammééééé! Attention, aaah!
-Aaah, Habby! Tourne, tourne!
-J’y arrive paaaaas!
Le canot fait un brusque virage et se met de côté. Le débit de la rivière nous emporte et nous fracasse contre un énorme rocher. Je crie et tombe à l’eau. Je n’arrive plus à penser correctement. La seule chose qui me vient à l’esprit est que la rivière m’emporte et qu’elle est plus forte que moi.
Je ne m’en sortirai pas.
J’essaie de cracher l’eau qui est entré dans ma bouche quand ma tête se cogne violement contre une roche. La douleur m’assomme pendant quelques instants et me fait tournoyer. Je suis maintenant sur la voie du courant, et il m’apporte quelques centimètres plus loin à un mur de roches. Mon corps est violemment projeté sur la bande de rocs et la force du débit me pousse jusqu’à un petit creux entre deux gros monticules.
L’eau passe par-dessus ma tête.
Malgré que je porte ma ceinture de sauvetage.
Je ne peux plus respirer.
Je vais mourir.
Mourir sous la furie du Diable.
J’essaie de me sortir de là mais la pression de l’eau était si forte qu’elle me plaque contre les rochers. Je sens le goût métallique de mon sang dans ma bouche. Mes dernières forces sont pour que ma tête puisse sortir de la rivière et que mes poumons puissent respirer de l’air…
Ce que je n’arrivai pas à faire.
Quelques minutes plus tard, je mourrai.
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Cela aurait pu être moi. Je le sais, j’ai vu le scénario se dessiner très nettement dans ma tête quand j’ai bien regardé autour de moi.
Il n’a suffit qu’une simple petite chose, une chose de la nature, pour que je sois encore vivante, et en train d’écrire en ce moment.
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La rivière du Diable. Peuh. Un nom pour touristes. Si elle était si dangereuse que ça, le prof ne nous aurait pas emmené tous ici. Nous sommes au moins 75 élèves, âgés entre 13 et 15 ans.
Je regarde le magnifique paysage des Laurentides. Si le paradis existe, il est au Québec. C’est mer-vei-lleux. Fabuleux. Juste à regarder les montagnes vertes, les sapins touffus, l’eau qui miroite un ciel azur, une inspiration me prend soudainement et le désir d’écrire saisit mes doigts. Mais je ne suis pas là pour ça, mais plutôt pour découvrir la rivière.
La rivière du Diable.
Quel nom ridicule. Enfin.
Avec Amélyne, ma coéquipière, je mets à l’eau notre canot jaune et, je m’installe à l’arrière. J’ai un peu de difficulté à m’y retrouver, cela fait plus de deux ans que je n’ai pas fait du canot.
Bon. Je m’y habituerai.
Un attroupement de canots se fait un peu plus loin. Nous allons les rejoindre.
On nous apprend qu’on doit attendre notre prof, il nous dira si les rapides sont trop dangereuses pour nous, ou c’est correct.
Nous sommes 75 étudiants, et pratiquement tous novices.
Sur les 75 étudiants, il y a 5 adolescents, dont moi, qui ont fait leurs cours de sauvetage. Mais ça ne nous servira à rien…
Soudainement, quelques canots mettent rames à l’eau et pagaient.
J’apprendrai plus tard que tout ce qui se passa fut la faute de eux garçons qui ne nous ont pas averti d’attendre que les profs étudient le terrain…
Je pagaie, confiante, Amélyne devant moi. Nous prenons un bon rythme, la rivière est calme.
Puis, je vois un peu plus loin un canot entre deux rochers. Une fille est sur la berge et aide l’autre à y monter.
Qu’est-ce qui s’est passé?
Mes pensées sont dérangées par le débit de l’eau qui accélère soudainement.
-Habby! M’appelle mon amie.
-Oui, désolé! Je reprends aussitôt contrôle du canot, essayant de suivre le courant.
Je ne m’attends pas à ce qui suit.
Des rochers surgissent de la rivière, des branches plantées dans le sable, pointent vers le ciel, des arbres sur les côtés sont tombés…
Nous essayons au début de contrôler notre embarcation, nous faisons un trois cent soixante pour nous rattraper. D’autres canots remplis par des étudiants que je connais sont aussi à la dérive comme nous, et d’autres s’en sortent sans mal.
J’ai l’impression d’avoir réussi à déjouer la rivière quand un courant nous fait dévier et met le canot perpendiculairement au courant.
Et puis, il y a cette chose.
Ce gros rocher couleur jaunâtre.
L’iceberg des Laurentides. Mon cerveau chauve à cent milles à l’heure. Nous devons nous stabiliser! Ou sinon…
Oh mon Dieu.
C’est trop tard.
-Ammééééé! Attention, aaah!
-Aaah, Habby! Tourne, tourne!
-J’y arrive paaaaas!
Le canot s’écrase violemment sur le roc et nous fais basculer de côté. Je tombe à l’eau en criant. Je ne vois plus Amélyne.
Je sens le courant m’emporter. C’est tellement fort, je ne peux pas résister, ni combattre. Mon cœur bat comme jamais. J’essaie de reprendre ma respiration. J’entends mon nom, crié entre la furie des vagues, puis, quelque chose semble m’arrêter.
Une branche.
Dix secondes plus tard, et ce serait sur un banc immense de roches que je me serais retrouvé.
La branche est à la hauteur de mes genoux. Ma ceinture de sauvetage me permet de remonter à la surface. Je tousse et crache l’eau en dehors de mes poumons. Je vois Amélyne plus loin.
-Habby!
-Amé! Amé! Aide-moi!
Elle ne semble pas avoir mal. Même qu’elle se lève, faisant attention pour ne pas glisser sur les roches dans l’eau. Une chance que nous sommes sur le côté de la berge. Le canot est toujours contre le rocher et ne bouge pas d’un pouce.
Je tends ma rame vers mon amie, je ne me surprends même pas de la tenir encore.
Elle me tire de toutes ses forces et je monte sur l’herbe. Je tousse encore et je l’aide à monter en toute sécurité.
Je jette un regard autour de moi.
Plusieurs canots se sont échoués comme nous. Je vois mon prof aider une élève à sortir de l’eau.
J’ai l’impression de vivre l’apocalypse.
Je vois deux de mes amies, Éloïse et Vanessa, à la dérive, au beau milieu de la rivière, qui nous crient et nous supplient de venir les aider. Je gémis en les voyant et je sens des larmes venir à mes yeux.
Je suis impuissante.
Que s’est-il passé?
Bon Dieu, que s’est-il passé?
£££
Je suis dans l’autobus qui nous ramène à notre camp, et je pense à ce qui m’est arrivé.
À ce qui nous est arrivé.
Une terrible, mais aussi formidable expérience.
Plusieurs d’entres nous se sont blessés, des égratignures surtout. Certains ont perdus des souliers, des sandales, des sacs complets dans les eaux.
Heureusement, ce ne fut pas notre cas.
Heureusement.
Le reste de la promenade s’est bien passée. Nous étions mouillés, mais en vie.
Vanessa et Éloïse ont été récupérées.
Une chance.
J’ai bien paniquée pendant un instant, puis je me suis calmé, me rappelant tous mes cours de sauvetage.
La dernière chose à faire, c’est de paniquer.
Mais, je suis hantée…
Aurais-je pu mourir?
Mourir là-bas?
Mourir sous la furie du Diable?
Oui. J’aurais pu. C’est sûr et certain. Je me serais noyé sans que personne ne vienne me sauver.
Amélyne m’a dit qu’elle n’aurait pas su quoi faire, et aurait tout simplement gelée.
Il n’y avait personne de proche autour de nous.
Je serais morte.
Mais je suis encore en vie.
Juste grâce à une petite chose, tellement inutile.
Une branche.
Je crois qu’il y a une raison à tout ça. La Force de ce monde a voulut m’imposer ça, pour que je puisse me rendre compte que la vie est bien plus précieuse que l’on ne croit.
Et merde à toute cette tristesse, ce désespoir accumulé au fil des ans.
Et merde à toutes ces idées suicidaires.
Et merde à toute cette rancune.
Merde à la mort!
Je l’emmerde, je ne veux même plus y penser. Parce que je suis en vie, et je remercie encore le destin, le hasard ou la Force de m’avoir donné cette chance.
Cette chance de pouvoir crier :
MERDE À LA MORT!
C’est une façon pour moi d’exprimer ma grande gratitude d’être encore vivante.
De pouvoir encore respirer, écrire, rire, dormir…
De pouvoir voir mes amies, et m’amuser avec elles…
De pouvoir profiter de la nature, des bienfaits de la Terre…
De pouvoir m’apercevoir que les hommes ne sont pas tous pourris, qu’il y en a qui sont bons et généreux.
J’ai la chance de pouvoir encore vivre pour tout vous dire ça.
Merci à la vie.
Merci.
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