Voyage princier

(Pas de problème, Neff. Contente de te voir aussi, Galaad !)

Sa question parut mettre l’ange mal à l’aise, ou au moins lui donner du fil à retordre. Si la réponse n’était pas simple, au moins serait-elle sincère . C’était le raisonnement, certes, un peu scabreux, que tenait la jeune fille. S’il avait besoin de réfléchir,c ‘est qui n’avait pas de réponse toute faite, et donc rien à cacher.

Enfin, il parla. Et bouleversa une nouvelle fois la demoiselle. La solitude… Oui, elle la connaissait bien, cette torture qui avait pesé sur elle pendant plusieurs années. Elle avait toujoursété entourée, choyée, cajolée, de la plus agréable des façons. Mais avait grandit en pensant sans cesse que personne ne pourrait la comprendre. Elle aurait beau s’exmpliquer, crier, elle resterait aussi insondable que la mer qu’elle avait devant les yeux en ce moment. Le sourire du jeune homme, surtout, lui fit mal. Parce que si elle s’était trouvée devant un miroir, elle l’aurait vu sur ses lèvres.

« Vous semblez avoir une bien piètre opinion de vous-même… Pourtant… »

Elle ne savait pas ce qu’elle faisait, elle ignorait pourquoi elle réagissait ainsi. C’était fou, complètement inconscient de sa part. Pourtant, très lentement, un peu comme dans un état second, la princesse tendit ses doigts fragiles vers le visage de son compagnon. Pour quoi faire ? Aucune idée. Elle ne contrôlait ni ses gestes, ni ses pensées, s’était totalement arrêté de réfléchir. Elle n’était plus qu’une adolescente troublée, effrayée.

Elle allait effleurer de la main la figure de Neffarasiel, lorsque celui-ci posa une question qui l’arrêta net. La trahison… Elle demeura un moment immobile, complètement perdue, entre ses tristes souvenirs, et la découverte de son geste absurde. Avant qu’elle ai pu réagir, articuler un mot, un pas s’était fait entendre sur le pont. Réagissant aussitôt, la souveraine reprit une posture convenable, releva la tête, revêtant ce qu’elle appelait « son masque ». La métamorphose s’était opérée en quelques secondes. Elle en avait tellement l’habitude, c’était un rôle à présent natuel, bien que destructeur pour la jeune fille elle-même, qui tremblait sous son armure.

Scrutant l’obscurité, elle reconnu, autant à la voix qu’à la silhouette, le noir Galaad. Le Drow avait donc lui aussi eu envie d’une promenade en pleine nuit ? Les avait-il entendu ?

Sa phrase fut énigmatique, son salut rapide. Gal y répondit par un signe de tête gracieux, bien que ses mains tremblaient fortement à l’idée de ce qui avait faillit se passer. En pleine lumière, on aurait vu qu’elle rougissait de la racine des cheveux à la limite de la gorge.

A son grand soulagement, le guerrier s’éloigna assez rapidement, en s’excusant de les avoir dérangé. La fille de roi ne put s’empêcher d’admirer son agilité et son dynamisme, propres, elle le savait, à toutes les races Elfiques.

Se retrouvant de nouveau seule avec Neffarasiel, elle se sentit rougir encore plus, et se retrouva un moment incapable de prononcer un mot. Devait-elle s’excuser ? Ou alors ignorer son geste idiot ? Encore une fois, comme cela lui arrivait toutes les dix minutes sans qu’elle le laissât voir, le petit bout de femme se retrouvait complètement déconcertée. Qu’avait-elle donc fait ? Etait-elle devenue folle ?

Evitant soigneusement le regard douloureux et terriblement aigu de l’ange, elle baissa les yeux, se décidant à murmurer une unique phrase, d’une voix tremblante, autant du chagrin qu’avait provoqué en elle son interrogation, que de sa malencontreuse témérité :

« Une famille royale sans trahison ne serait pas une famille royale »

Elle se sentait ridicule, voir même… humiliée. Comme une gamine prise en faute en train de voler des friandises. Sauf que là, c’était plus grave. Son geste avait été totalement inconvenant. Elle ignorait ce qui l’avait provoqué. La compassion ? L’impression d’être enfin acceptée comme elle était, et comprise ? Elle trouvait bien sur un écho dans les paroles et le comportement de son séduisant vis-à-vis. Mais de là à… était-elle donc en train de perdre totalement la raison… Elle s’égarait…

Accôté au rebord de la plaque de bois sur laquelle il se trouvait, Galaad regardait de haut Galathée et Neffarasiel. La subtilit. n'était pas vraiment ce qu'il voyait. Il avait vécu assez longtemps pour reconnaître tous les signes qu'il voyait maintenant. Les deux jeunes gens étaient mal à l'aise, ne sachant pas quoi se dire sur le moment, ils avaient eu les nerfs à fleur de peau lorsqu'il était monté. L'expression dans les yeux dévoilait aussi bien des détails qui n'auraient jamais pu s'exprimer par des mots. Il pensa jusqu'où cette historie pourrait aller. En y pensant bien, le plus loin d'un certain point de vue serait que Neffarasiel devienne roi en fin de compte... Galaad se surprit à penser que ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée. Le jeune homme était vraisemblablement digne de confiance, et le drow n'avait aucun doute quant aux pensées de celui-ci envers la reine, qui semblait les lui renvoyer.

Le fait que la reine se donne des apparences trompeuses ne marchait pas avec Galaad. À 482 ans, il en avait assez vu dans sa vie pour savoir ce qui se passait dans l'esprit des gens.

-Comme si on pouvait réellement cacher ses pensées au monde entier...

Il resta pensif sur ce point, et continua à observer la suite entre neff et Galathée, invisible en haut du mât du navire.

"Je suppose que vous avez raison... Et plus la personne qui vous trahit vous est précieuse, plus la trahison est douloureuse."

Galathée frissonna. Comme il la comprenait bien ! Le visage de Tamar s’imposa à elle. Une figure familière. Des cheveux bruns, des yeux mordorés, des traits aigus. Son cousin n’avait jamais été beau. Mais il possédait un visage qu’on ne pouvait oublier, une fois qu’on l’avait aperçu. Et puis, il y avait son oncle. Le meurtrier. Elle revit son père s’écrouler, la poitrine déjà opressée par le poison. La dernière expression qui avait marqué son faciès, c’était celle de la surprise, de l’incompréhension. Avait-il pressenti l’identité de son assassin ? S’il l’avait deviné avant même d’entrer dans la pièce, comme la jeune fille le pensait en se rapelant son air résigné, pourquoi donc avait-il accepté son sort ? Ce n’était certe pas un battant, mais de là à se résigner, et à mourir !

Sa gorge la brûlait. L’indignation, la colère se mêlaient dans son esprit, comme à chaque fois qu’elle revivait cette scène. Comment avait-il pu ? Et la laisser, ainsi. Et abandonner sa mère !

Elle du tendre l’oreille pour saisir les paroles de l’ange. Ses lèvres s’entrouvrirent, se refermèrent. Ce n’était peut-être pas le moment. Mais… si elle le disait… En serait-elle libérée ? Pourquoi à lui , d’abord ? N’était-elle pas en train de commettre une énorme erreur de jugement ? Elle seule savait, à présent. Elle seule était la gardienne de se secret familial. Lorsqu’elle avait fait exiler les derniers membres de sa famille, le motif n’avait pas été l’assassinat du roi. Le peuple aurait réclamer la mort de l’oncle de la princesse, et celle-ci aurait été incapable de le contenter. Elle ne pouvait tuer quelqu’un de sa propre lignée, même si cette personne n’avait pas eu les même scrupules auparavant.

« Si ce jour était venu, Neffarasiel ? J’ai vu de mes propres yeux un fratricide. Je ne pense pas qu’il y a de pire trahison que celles commises par quelqu’un de son sang ! »

Son regard était bouleversant. Plein de tristesse, de colère contenue, de détresse aussi, de n’avoir pu rien faire, d’avoir assisté, sans réagir, à l’inévitable. Néanmoins, l’orpheline s’était juré de ne pas se mettre à pleurer de nouveau.

La remarque de l’ange lui arracha un sourire amer. Elle évitait toujours son regard, sans savoir vraiment pourquoi. Apparemment, son geste malencontreux avait été oublié, mais elle avait eu le temps d’entrapercevoir la lueur d’attente dans les yeux bleux du jeune homme, et ne souhaitait pas l’interpréter. Ne pas revivre sans cesse le même cauchemars…

Toujours immobile en face de lui, elle redressa légèrement la tête, tomba sur la chemise entrouverte de son interlocuteur, détourna immédiatement les yeux. Elle était troublée, c’était visible. Elle parvint cependant à garder une certaine maîtrise d’elle-même. Après tout, il fallait bien que ses différents changements de rôle et de personnalité lui servent à quelque chose…

« Oui, nous sommes peut-être semblables… La même douleur… »

Toujours l’absurdité de son mouvement vers lui, qui la tourmentait. Comment… ? Pourquoi… ? Elle avait envie de le protéger, de le rassurer… C’était peut-être normal, oui, puisqu’il s’agissait de son seul ami. Mais avait-elle donc oublié d’un coup toutes ses inhibitions ? Déconcertée, la Reine resongea à l’étreinte que son compagnon lui avait prodigué une demi-heure auparavant. L’avait-il définitivement guérie ? Comment ça, d’un seul coup ? Non, bien sûr, puisqu’elle n’imaginait pas que ce genre de chose puissent se produire avec quelqu’un d’autre que lui… Et encore… même avec lui… Il fallait qu’elle réaprenne ce que c’était que l’abandon de la confiance… Elle ne devait plus être habituée, sans cela, elle ne ferait pas tant d’histoires !

D’un œil, elle observa Galaad, toujours juché sur son mât. Sur lui aussi, la rousse souveraine aurait aimé apprendre des choses. Son passé, son service auprès de ses prédécesseurs sur le trône. Ce serait pour plus tard, bien sur…Si elle en avait le temps…

(rha qu'elle est naïve cette chère enfant... Un vrai plaisir de la tourmenter un peu... )

Quand elle lui avoua qu'elle avait assisté à un fratricide, le regard de l'ange se fit lointain. Il réfléchissait. Le roi avait été assassiné... Un fratricide. Il réfléchirait à tout ça plus tard. Son regard se perdait dans les vagues, leur doux clapottement. Il faisait nuit et il était en train de discuter avec la reine sur le pont d'un bâteau, comme deux vieux amis. Situation totalement incongrue. Sa voix s'éleva alors :

- "Je ne sais pas s'il y a pire... Mais il y a semblable douleur. Etre trahi par quelqu'un de son sang est terrible... Mais l'être par quelqu'un qui détient votre coeur l'est tout autant."

Il braqua alors son regard sur Galathée. Elle était un mélange de tristesse, de colère, d'injustice, de révolte latente. Oh oui, la petite Reine, derrière ses airs impassibles, était une véritable boule d'éùotions soigneusement contrôlées. Contrôle acquis par l'éducation.

Elle évitait son regard maintenant et sembla se troubler davantage. Qu'est-ce qui lui passait donc par la tête? Il aurait donné cher pour pouvoir suivre le cours de ses pensées. Elle semblait tiraillée entre plusieurs désirs contraires. Mais lesquels? Mystère...

Le silence s'installa à nouveau. Et pourtant, il aurait pu passer le reste de la nuit sans rien dire, avec juste Galathée à ses côtés. Cette pensée le surprit et l'inquiéta. Il ne devait pas dépendre d'elle. Pas à ce point. Il serait son ami, son garde, son conseiller, mais c'était tout. Il était prêt à faire à nouveau confiance à une femme, mais pas à engager son coeur. Et le fait qu'elle ressemblait tant à Maya lui était douloureux, mais aussi réconfortant. Il ne pouvait pas se l'expliquer. Elle n'était pas Maya, il le savait, mais Galathée l'attirait, comme la flamme, le papillon. Seulement à trop s'approcher de feu, on se brûle les ailes. Une fois lui avait suffit.

Lui aussi jeta un coup d'oeil au drow, qui, il en était certain, ne perdait pas une miette de leur entretien. Il n'était pas assez loin pour que son ouïe aiguisée ne capte pas les bribes de leur conversation. Après, restait à savoir ce qu'il ferait de ce qu'il apprenait. Naffarasiel se pencha vers Galathée, ne prenant pas conscience qu'elle pourrait s'en effaroucher et lui glissa à l'oreille :

- "Avez-vous confiance en ce drow? Car je gage qu'il nous entend et surtout, qu'il a compris que nous étions amis. Il faudrait qu'il ne l'ébruite pas si nous voulons être efficaces à l'avenir."

Il changeait de sujet, revenant sur un plan moins personnel.

Quelqu’un qui détenait son cœur ? Galathée sursauta. Elle avait parlé trop légèrement. Jamais elle n’aurait cru que Neffarasiel aie pu souffrir d’une trahison amoureuse. Mais bien sûr, il s’agissait de faits bien plus importants qu’un simple « je ne t’aime plus ». Ses parents avaient été assassinés.. A cause de cette femme ? par elle ? Pourquoi alors, n’était-il pas marié ? Lorsqu’on connaissait quelqu’un du sexe opposé, on l’épousait immédiatement. C’était la coutume, dans les familles nobles… A moins que cette félonne n’ai été de basse extraction… Ou alors, appartenait-elle à une lignée de nobles désargentés ?

Le cerveau de la jeune Reine fonctionnait à toute vitesse. Elle mettait bout à bout des événements, des suppositions. Cela lui arrivait souvent. Elle était intelligente, il n’y avait pas à en douter. Mais de là à être devineresse… il y avait encore du chemin à faire. Comme son compagnon ne l’avait pas interrogée sur le fratricide, ce dont elle lui su gré, et par conséquent, elle s’abstint de poser des questions sur ce que lui-même avait enduré.

Elle savoura le moment de silence, cette tranquilité sereine qu’elle éprouvait à cet instant précis. Le temps passait sans qu’elle sache véritablement l’évaluer. Cela lui était égal. Malgré les douloureuses réminescences , elle goutait à la liberté, à la confiance. Ce retour à l’enfance lui faisait le plus grand bien.

Neffarasiel lui paraissait… soucieux, à cette seconde précise. Etait-il aussi tourmenté qu’elle ? Quelles étaient les raisons de son désarroi ? Ses souvenirs, surement. Quand on a vécu quelque chose d’aussi difficile, il est presque impossible d’oublier. On peut se le cacher, faire semblant de ne plus y faire attention, le repousser dans le quoi le plus sombre et le plus obscur de son cerveau, mais on ne peut pas enterrer le passé. Les cauchemars qui hantaient la damoiselle le prouvait bien.

Cet instant de bien-être et de réflexion fut interrompu par un souffle près de son oreille. Elle sursauta violemment, avant de comprendre, au son de sa voix, qu’il s’agissait de l’homme ailé, qui venait de se pencher vers elle. Elle mit un moment à donner un sens aux mots qu’il prononçait. Ces pensées là emprumptaient souvent des chemins tortueux pour aboutir à son esprit. Une autre idée, qui avait choisi, elle, l’itinéraire en droite ligne, la percuta de plein fouet.

*Trop près… beaucoup trop près… Mais qu’est ce qui m’arrive, à moi… Galathée, reprends-toi… Pas de panique, tu te calme, tu réponds, et tu t’éloigne… N’ai pas peur… il ne va pas te faire de mal… Mais est-ce vraiment cela que tu crains ? Ce n’est pas Tamar ! Enfin, recule quand-même, sinon tu vas faire un arrêt cardiaque… tu réfléchiras plus tard à tes angoisses, il y a plus urgent, là, tu vois ?*

Plus urgent ? C’est à dire ? Ah, oui, répondre… Mais qu’avait-il dit, déjà ? Par réflexe, elle tourna la tête vers l’ange pour lui adresser ses paroles, se demandant, dans les brumes de son esprit bouleversé et inquiet, ce qu’elle pourrait bien lui dire.

Mais avant qu’elle articule quoi que ce soit, une autre pensée, qui, semblait-il, s’était elle aussi faufilée à toute vitesse jusqu’à son cerveau, l’avertit que, dans cette posture, elle ne s’était pas éloignée du jeune homme, bien au contraire, même.

Elle déglutit, se rendant compte que c’était bien le cas. Ils étaient à présent nez-à-nez, leurs deux visages se touchant presque, dans une position horriblement gênante pour la jeune rouquine. Elle demeura interdite quelques secondes, partagée entre sa peur, et les yeux de son vis-à-vis, où elle se noyait sans le faire exprès.

*Ridicule !*

La noble demoiselle se secoua intérieurement, et recula de quelques pas, se retrouvant ainsi à quelques distances de l’ange. Elle lui tourna le dos, en faisant semblant de regarder l’endroit haut perché où se trouvait Galaad, le temps de reprendre quelques peu le contrôle d’elle-même. Elle se sentait emprisonnée en elle-même, les émotions contradictoires, les envies, les souvenirs, la frappaient de plein fouet, de manière violente, comme autant de jets de pierre… Etrange claustrophobie…

Cependant, il lui fallait bien dire quelque chose. Quelle était la question, déjà… Elle choisit de répondre d’une voix suffisamment forte pour que le Drow puisse l’entendre. Ainsi serait-il surement flatté par la confiance (plutôt fragile, il fallait l’avouer, la Reine attendant de le voir davantage à l’œuvre) de sa souveraine, et ne divulguerait-il pas leur secret.. Du moins l’espérait-elle.

« Le Sieur Galaad est un ancien serviteur de mon père… Il ne nous trahira pas… »

Ses mains tremblaient, elle en avait assez d’être bousculée par ses émotions, qu’elle n’arrivait plus à déchiffrer. Elle se rendait peu à peu compte qu’elle prenait peur à chaque mouvement de l’ange vers elle. Pourtant, il ne lui avait manifesté que de l’amitié, et n’avait eu aucun geste inconvenant… Ses traumatismes refaisaient-ils surface ? Mais pourquoi… pourquoi maintenant ?

-Ce serait insulter celui qui fut le seigneur du feu et mon ami.

Le drow sauta sans plus de manières, et il tomba en chute libre du mât d'environ 5 mètres de haut. Pourtant, et malgré la vitesse à laquelle il tombait, il atterit tout en douceur, sans faire de son ou presque. Ses genoux plièrent légèrement au moment de l'atterrissage, mais il se redressa rapidement. Ayant laissé son armure et sa cape dans la cabine qu'il avait dans la cale, le drow était à présent simplement en habits ordinaires. Il se frotta les mains, enlevant la poussière qui y reposait, et reposa son attention sur les deux jeunes gens.

-Désolé d'être si peu subtil pour le moment.

Un mince sourire vint se former sur son visage. Il tourna la tête vers Galathée, qu'il salua poliement. En effet, il était quelque peu flatté de la confiance que lui accordait la jeune fille, même s'il savait qu,elle n'était qu'à moitié vraie vue le courte durée de temps écoulée depuis qu'il était revenu pour prendre du service pour la famille royale. Il commençait également à penser que même si celà pouvait finir par frustrer Galathée d'une manière ou d'une autre, il ne pouvait pas la laisser tomber amoureuses trop facilement, alors qu'ils étaient en délégation vers le continent de l'eau.

Neffarasiel fut dérouté par l'attitude de la jeune fille qui choisit de s'éloigner de lui. Ils avaient été si près pourtant. Alors qu'il lui murmurait des choses à l'oreille, elle avait finit par tourner la tête vers lui, leur regard se croisant, leur souffle se mêlant presque. Il aurait suffit que l'ange avance légèrement la tête pour embrasser Galathée.

Il secoua la tête, surpris par le cours de ses pensées traîtresses. Embrasser Galathée! Quelle idée! Finalement, elle avait bien fait de le fuir ainsi. Pendant un instant il avait été cloué sur place par ce regard clair, aussi sûrement qu'un papillon épinglé à un mur. Puis, elle s'était enfouie.

Maintenant, elle lui tournait le dos. Elle finit par lui répondre, assez fort pour que le drow l'entende. Mais lui n'écoutait plus. Il réfléchissait à l'étrange comportement de la jeune fille vis-à-vis de lui... et des autres hommes, maintenant qu'il y songeait. Cette façon de fuir les contacts, de se dérober ou de se mettre en colère. Il avait déjà vu ce genre de comportement, mais c'était sur des jeune sfiles qui avaient été violées ou avaient failli. Hors là, c'était une Reine. Il écarta cette idée, cela était impossible. Il murmura alors :

- "Désolé, je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise..."

C'est alors que le drow parla à nouveau et sauta jusqu'à eux avec grâce. Puis il s'excusa d'être aussi peu subtil. Neff leva un sourcil mais s'abstint de tout commentaire. Il se contenta de dire :

- "Je ne voulais en aucun cas vous offenser messire Galaad. Je m'interrogeais simplement. Quel roi peut dire qu'il n'est entouré que de gens de confiance?"

Il décida alors de changer de sujet et demanda, avec curiosité :

- "Vous étiez au service du précédent Roi?"

Galaad releva la tête lorsque Neffarasiel lui parla de son service pour l'ancien roi. L'ancien roi... Galaad eut un léger soupir, se remémorant la dernière fois qu'il avait vu son souverain vivant. C'était juste avant son départ du château après tout le service qu'il avait fait pour la famille royale. Le drow releva finalement la tête, et répondit:

-C'est exact. J'ai servi vingt ans au service du précédent roi du feu, suite à plusieurs autre décennies au service de son propre père.

Le sourire sur son visage, qui avait commencé à s'effacer, refit surface rapidement. Maintenant, c'était le souvenir de ses années de service qui lui revenaient à la mémoire. Les bons souvenirs y étaient nombreux, depuis le couronnement du grand-père de Galathée, jusqu'à son départ de la cour de son père. Mais il devait avouer qu'une légère préférence allait au père, bien que le géniteur de celui-ci ait été un roi qu'on puisse qualifier d'ami fidèle. Contrairement à ce qui aurait dû être, les deux rois et lui avaient été amis. Étrange fait. Dans la majorité de son service, il avait servi en tant que maître d'armes ou encore professeur, les gens misant sur son âge pour confier lui confier leurs enfants malgré sa race. Il était justement heureux que le monde du feu ait rapidement vu en lui un drow différent des autres. Celà lui avait évité nombre d'ennuis tout au long de sa vie sur le continent.

-Et je puis dire que ce sont les plus belles années de ma longue vie.

Il regarda Neffarasiel dans les yeux, et sourit légèrement.

Elle surprit le regard étonné de Neffarasiel lorsqu’elle se détourna. Le pauvre devait se sentir délaissé, et s’interroger sur le comportement de son amie. S’il avait su ! Il était pourtant tout près du but, mais ni l’un ni l’autre ne le savait. Aucun des deux n’avait de don de télépathie, et c’était bien heureusement. Car si Galathée avait pu rencontrer le même trouble que celui qui s’emparait d’elle dans le cœur de l’ange.. Mais, quel trouble, au fait ? Que non, elle n’était pas troublée ? Elle, jamais voyons ! Quelle idée ! Se débattant avec sa conscience, qui lui donnait des idées à la faire rougir des pieds à la tête (elle est trop sensible la pauvre), elle salua d’un sourire l’apparition du Drow. En fait, cela la gênait aussi, qu’il interrompe son tête à tête avec l’ange… Allez savoir pourquoi… Mais au moins, ces idiotes de pensées ne viendraient plus la turlupiner. Tentant d’oublier la présence de son « protecteur », elle se concentra sur son dialogue avec Galaad, curieuse de connaître ce qu’il avait à dire sur son père.

La discussion revenait sur des sujets un peu moins personnels, même s’ils touchaient de près la famille de la Reine. Celle-ci écouta avec curiosité. Elle aimait entendre parler de ses ancêtres, et s’en faire des modèles… Alors, elle osa interférer entre les deux hommes, qui semblaient plutôt bien s'entendre... Entre gens d'armes, c'était compréhensible...

« Et… comment étaient-ils… je veux dire… Etaient-ils différents de ce qu’on raconte dans les chroniques du royaume ? »

La question lui avait échappé. Elle voulait avoir un avis extérieur sur son grand père, qu’elle n’avait jamais connu, et qui n’avait régner que peu de temps, avant de laisser le pouvoir à sa femme. Et puis, son propre père, Sa Majesté Galaël de Glingal… Etrange personnage, elle le savait. Jamais elle n’était allé jusqu’au fond de ses pensées devant lui. Leurs relations avaient toujours été si superficielles… Même pas celles d’un père et d’une fille… Une diplomate, qui conseillait son souverain. Presque jamais, il n’y avait eu d’effusion, de moment de tendresse. Elle ne s’était jamais confié à lui, et inversement. Ou du moins, les confessions demeuraient de pure forme, comme dans n’importe quelle conversation de salon.

Et, une deuxième question se faisait jour dans son esprit. Elle ne pouvait la poser sans risquer de blesser le Drow. Mais… elle voulait savoir. Elle voulait connaître les motivations de son vassal quand…

« Galaad… Pourquoi… êtes-vous partis ? »

Ce n’était plus la Reine qui demandait. Le ton avait été doux, mais convaincant. La jeune fille s’était toujours reproché de ne rien avoir pu faire lorsque son père avait disparut… Alors peut-être, s’il avait été secondé par des serviteurs comme l’Elfe noir… Peut-être alors…

Neffarasiel resta perplexe aux paroles du drow. Mais quel âge avait-il? Il avait servi le père de galathée et son père avant lui... Comment un elfe noir était-il arrivé à en servir les rois du continent du feu? Sa curiosité était éveillée. Et bien qu'il fut déçu de ne plus être seul avec Galathée, au moins l'elfe noir leur offrait une agréable diversion.

Il ajouta que c'étaient les plus belles années de sa vie avant de sourire légèrement à Neffarsaiel qui lui offrit un visage amical. Cet elfe noir lui plaisait d'emblée, allez savoir pourquoi? Peut-être parce que son regard semblait sincère et honnête. Au moins, il ne pensait plus aux émotions que la trop jolie Reine provoquait en lui. Il ne voulait pas y penser, ne pas y réfléchir, les refouler loin dans son esprit.

C'est alors que galathé posa des questions sur son aïeul. Normal. Ce n'était pas tous les jours qu'on rencontrait quelqu'un qui semblait avoir son âge et qui pouvait se vanter d'avoir connu son grand-père. Et peut-être plus que connu, si Neff en jugeait par la façon dont le drow l'avait évoqué. Peut-être y avait-il plus eu qu'une simple relation Roi/serviteur.

Il fut surpris du ton avel lequel elle posa la seconde question. Comme si cela était plus personnel encore. Comme si la réponse compterait énormément pour la Reine. Et effectiveent, si Galaad était resté, peut-être que le Roi ne serait pas mort... Ni la Reine. C'était la fille abandonnée trop tôt qui avait posé la question, pas la reine.

-Pour ce qu'on appelle la paix intérieure, à l'origine.

Le visage de Galaad s'assombrit d'un coup. Son sourire s'évanouit rapidement, et il baissa légèrement la tête.

-Croyez moi, personne n'a osé s'attaquer à votre père, tant que j'était là... Et si je suis parti, c'était par motif personnel. Simplement, lors de ma période d'existence où j'ai vécu en formation monastique, j'ai appris à focaliser sur mon être, pour ainsi dire. Mon départ était une sorte d'exil personnel qui devait durer deux ou trois semaines, peut-être un peu plus. Mais il n'a fallu que ce répit pour que tout tourne mal...

Le drow releva la tête, et se dirigea vers le bord du bâteau. Il regarda l'horizon un moment, puis croisa les bras. Il baissa finalement la tête de nouveau, et soupira. Sans tourner la tête vers Galatéh et Neffarasiel, il dit alors:

-Votre père était plus que mon souverain, Galathée. Il était mon ami, autant que votre grand-père. Deux grands hommes, quoi que pourront dire les chroniques n'importe où.

Il se tourna finalement vers les deux jeunes personnes, et ses yeux devinrent brillants, reflétant la lumière ambiante.

-C'est la majeure raison pour laquelle je suis revenu vers la famille royale, pour ne rien vous cacher.

Ainsi il était parti pour… raisons personnelles. Son père était-il mort pour raisons personnelles, lui aussi ? Ce que dit ensuite Galaad fit encore plus mal à la jeune Reine. Ainsi, Galaël n’avait été attaqué que parce que son fidèle serviteur l’avait quitté quelques semaines ? Elle se souvenait maintenant de la présence du Drow, posté dans le coin le plus sombre de la pièce, à chaque fois qu’elle se rendait dans le bureau du roi. Comment avait-elle pu l’oublier ? Cette présence l’avait toujours mise mal à l’aise, sans qu’elle pu se l’expliquer. Son couronnement lui avait donc ôté toute mémoire ? Qu’elle était sotte !

La princesse du se contenir fermement pour ne pas lancer à l’Elfe Noir un regard meurtrier. C’était de sa faute, voilà ! Uniquement de sa faute ! Il était parti, il les avait abandonné ! C’était un lâche !

*Non, non, du calme ! Il ne pouvait pas savoir… Il n’est pas devin… Calme-toi*

C’était totalement puéril de la part de la rouquine de reporter ainsi la faute sur quelqu’un d’autre. Mais elle se sentait elle-même tellement coupable ! Et desespérait de se retrouver seule, orpheline. Ses parents n’avaient pas été présent, mais leur ombre qui la surveillait et l’aidait quand elle le pouvait lui manquait terriblement.

Cependant, ce que déclara ensuite son serviteur provoqua chez la damoiselle une brusque envie de pleurer. Un ami… Bien sûr… Il avait donc souffert lui aussi. Peut-être autant qu’elle… On voyait à son ton qu’il ne s’agissait pas de paroles hypocrites. Et Galathée priait pour que le Drow reporte sur elle l’attachement qui avait eu pour ceux de sa famille. Elle aurait besoin d’alliés de ce genre, fussent-ils des Elfes Noirs.

Une larme qu’elle ne pu retenir coula lentement sur sa joue. Elle perdait toute sa superbe, mais cela lui était égal. Les événements de la nuit l’avait brisée, elle se sentait très fatiguée. Elle voulait rester encore un peu, pour suivre la suite de la conversation, et ensuite, aller se coucher. Sommeil réparateur et sans mauvais rêves, du moins l’espérait-elle.

« Excusez-moi », bafouilla-t-elle, autant pour se faire pardonner sa faiblesse que les mauvaises pensées qu’elle venait d’avoir envers Galaad. Bien sûr, celui-ci ne pouvait pas le savoir.

Dans cette posture, la maîtresse du continent du feu ressemblait vraiment à une gamine. Une enfant fatiguée, qui se frottait les yeux sans retenue. Elle agissait ainsi simplement parce qu’elle se trouvait entre des gens de confiance. L’explication du guerrier Drow lui aurait au moins donné cette certitude, même si elle s’avérait également douloureuse.

Sans savoir pourquoi, elle tourna la tête vers Neffarasiel, et lui adressa un sourire las. Au moins maintenant était-elle entourée et protégée. Elle se sentait forte et en même temps très faible, car si l’ange venait à partir… Non, ne pas songer à cela. Etrangement, cela lui faisait trop mal. Elle ne pouvait l’envisager. S’attachait-elle donc si vite ? Elle, la Reine au masque implacable ?

* Un véritable cœur d’artichaud… Ca causera ta perte, tu sais…*

Neffarasiel se tenait un peu à l'écart. Il pouvait sentir la détresse de la petite Reine, redevenue une gamine orpheline abandonnée trop tôt, avec trop de responsabilités, blessées, trahie. Il dut se faire violence pour ne pas la prendre dans ses bras en lui susurrant des paroles réconfortantes, que jamais il ne la trahirait ou l'abandonnerait, jamais.

Il sentit aussi la peine du Drow. Se sentait-il coupable de la mort de son roi, de son ami? Se disait-il que s'il était resté, jamais il ne serait mort? A sa place, Neff l'aurait pensé même si c'était faux. Mais la culpabilité était quemlque chose d'étrange, irraisonnable. Un instant, il crut que Galathée allait céder à la facilité et rejeter la faute sur lui. Mais alors, elle n'aurait pas été Galathée. Si de telles pensées la traversèrent, elle les tint pour elle.

Elle s'excusa. De quoi? De se montrer humaine? Sa réaction était tout-à-fait compréhensible... Puis, elle se tourna vers Neff et lui adressa un sourire. Son coeur fit une embardée dans sa poitrine. Quel idiot! Il devait cesser de réagir ainsi dés qu'elle lui manifestait ces petites attentions! Et pourtant, en voyant cette larme solitaire, l'envie de la consoler le reprit. Il s'adossa alors au bastinguage et croisa ses bras sur la poitrine pour résister à son envie.

Il revint à Galaad et lui sourit. Il aimait bien ce drow au visage franc.

- "Je tiens encore à m'excuser pour ma suspicion à votre endroit. Je suis devenu méfiant avec le temps... Et cela n'a rien à voir avec votre race. Je suis tout autant méfiant avec les courtisans qui accompagnent la Reine... Même plus."

Il fit une petite grimace dégoutée. Mais malgré ses paroles, il ne pouvait se payer le luxe de faire entièrement confiance au drow, tout comme lui ne devait pas lui faire entièrement confiance. Au moins la Reine serait-elle efficacement protégée. Finalement, il eut un petit rire :

- "Je gage que vous n'avez plus rien à craindre maintenant Galathée avec deux chevaliers servants comme nous!"

Galathée était contente que les deux hommes sympathisent, même ces relations n’étaient que de pures façades. Elle voulait à tout prix éviter les intrigues de cours, les couteaux dans le dos. Elle répugnait à voir l’Elfe et l’Ange se mettre en danger l’un l’autre. Elle les observa un moment, se laissant ainsi le temps de clore ses pensées tristes. Passer ainsi du rire aux larmes avait un drôle d’effet. Elle se sentait détendue, mais aussi passablement fatiguée. Sur un petit nuage, en fait.

Un étrange mélange d’amertume et de joie l’étreignait lorsqu’elle regardait Neffarasiel. Elle savait bien de quoi il s’agissait, mais ne voulait pas se l’avouer. Il fallait minimiser les choses. Certes, le jeune homme était attirant, mais c’était simplement un effet de son épuisement qui la poussait dans de tels retranchements… Elle avait tellement besoin d’une épaule sur laquelle s’appuyer qu’elle s’attachait à n’importe qui. Non ! Neffarasiel n’était pas n’importe qui ! Disons qu’elle s’attachait trop rapidement. Voilà, c’était bien.

Elle n’était pas encore habituée à dévisager Galaad. Sa peau sombre et ses oreilles pointues la déconcertait. C’était le premier Drow qu’elle rencontrait, et jusqu’alors, elle ne s’était pas vraiment donné le temps de l’observer. Elle n’aurait su dire s’il était beau ou pas. Elle n’était elle-même pas une Elfe, et s’abstenait donc d’émettre un jugement. (d’un autre côté notre miss ne se prive pas de regarder Neff… Elle est folle la gamine !) Il lui était simplement de moins en moins étranger, et elle s’en réjouissait, en même temps qu’elle craignait d’être sans cesse comparée à ses prédécesseurs. Elle voulait faire ses preuves, et malgré ses fausses attitudes, l’avis des autres comptait énormément pour elle…

*Oulà ! Tu divague ! Tu ferais mieux d’aller dormir, non ?*

Alors qu’elle cherchait une formule afin de se retirer, Neffarasiel lui fournit sans le vouloir un bon moyend e s’éclipser. Avec son rire léger et enfantin, elle se tourna de nouveau vers l’homme aux ailes blanches, les yeux pétillants, bien qu’engourdis de sommeil.

« En effet, il semblerait qu’à présent je me trouve bien protégée. Mais vous seriez gentils de ne pas faire trop de zèle et de me laisser aller jusqu’à ma chambre sans craindre qu’il m’arrive quelque chose. Il est en effet temps pour moi de me retirer. Nous arriverons demain sur le continent de l’eau, et imaginez la tête du dirigeant s’il s’apercevait que la Reine n’est en fait qu’une drôle de créature aux traits tirés et aux yeux cernés ! »

La jeune fille faisait de grands efforts pour paraître enjouée et conserver son assurance. Elle demeurait aussi tourmentée que lorsque Neffarasiel l’avait retrouvée en train de pleurer, mais pour une toute autre raison. Elle adressa un sourire de commande aux deux guerriers, les laissant discuter « entre hommes », avant de se diriger vers sa cabine d’un pas léger.

« Bonne nuit, Messieurs »

Une fois à l’abri de la cloison de bois, elle se détendit brusquement, expirant tout l’air qui se trouvait encore dans ses poumons. Même devant ceux à qui elle faisait confiance, il lui arrivait encore de jouer un rôle. Décidément…

S’efforçant au calme, elle défit sa coiffure, répandit ses cheveux sur ses épaules, pensive. Ne tardant pas à aller se coucher, elle s’enfouit sous les couvertures, dissimulant son visage dans l’oreiller, tandis que les larmes coulaient. En une dizaine de minutes, dans un geste d’égarement, tout semblait avoir basculé. Ses pensées et son univers en prenaient un rude coup. Qu’avait-elle fait ? Rien, sans doute. La damoiselle s’était simplement trouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Et maintenant, il faudrait qu’elle continue à faire comme si de rien n’était. Feindre. En permanence. Même avec son ami, celui en qui elle avait la confiance la plus totale. Et pour cause. C’était arrivé, voilà. Pas de chance. Rien ne se réaliserait comme elle aurait voulu. C’était impossible…

Se retournant brusquement sur son lit, elle s’allongea sur le dos, se força à respirer calmement et à détendre tous ses muscles un par un, ce qui constituait, d’après sa nourrive, une méthode infaillible pour trouver le sommeil. Peine perdue, cependant. Des visages se bousculaient dans son esprit, tandis qu’elle se débattait, entre pensées et souvenirs, en s’efforçant de ne pas bouger réellement. Galaël, Tamar… Galaad, Galaël… Neffarasiel… Tamar, Galaad… Neffarasiel…

Galaad suivit tranquillement des yeux la reine après qu'elle les eut salués. Un fois qu'elle fut hors de vue, il tourna son regarda vers Neffarasiel. La discussion qu'ils avaient eue tous les trois semblait vouloir changer bien des choses. Au moins ces deux personnes sauraient en partie ce qui était réellement arrivé. En vérité, il lui arrivait de rêver à ce qui se serait passé s'il était resté au château. Il se voyait châtier le meurtrier de Galaël, la suite des évènements si le roi état resté en vie. Il se réveillait généralement sur ces entrefaits. Il sortit de ses pensées, et dit à Neffarasiel:

-Vous n'avez pas à vous excuser, à vrai dire. Il est vrai que je suis une des rares exceptions à la règle: les drows sont en général des voleurs et des assassins. Disons que les tendances de nos cousins elfes m'ont été plus intéressantes.

Il sourit de nouveau, mais ce sourire n'était qu'à demi-vrai. Les pensées de la mort du roi encore dans l'esprit, il était néanmoins heureux d'avoir gagné une certaine confiance auprès de Naffarasiel et de Galathée. Il regarda la lune dans le ciel.

-Vous devriez aller dormir pour le moment.

Il ferma lentement les yeux, et se laissa glisser sur le sol. Il resta ainsi, assis sur le bois, et attendit en écoutant la suite de ce qui se passerait.

Neffarasiel regarda avec un pincement au coeur la jeune femme s'élogner d'eux après les avoir salué. Une telle intimité se présenterait-elle à nouveau? C'était peu probable... Il l'imagina marcher jusqu'à sa chambre, dénouer ses cheveux et se coucher, cherchant en vain le sommeil... Lui-même n'était guère fatigué. Il en avait passé des nuits blanches, il y était habitué.

Il ferma un instant les yeux, se fustigeant intérieuremenet pour ses pensées.

*Tu perds la tête! c'est la Reine!*

Mais c'était aussi une femme trop jolie et trop émouvante pour qu'il reste insensible. Cependant, il ne pourait être que son ami. La voix du Drow le sortit de ses pensées. Il lui sourit tristement.

- "Ces préjugés sur les races sont idiots. Les anges n'en sont pas tous..."

Le drow lui recommanda alors d'aller dormir, mais Neff n'avait pas sommeil, pas encore. Il regarda Galaad s'asseoir avec grâce et fermer les yeux. Neff laissa le silence s'installer, toujours accoudé au bastinguage. Puis, il rompit le silence :

- "Pourquoi êtes-vous entré au service des rois du continent du feu? Comment en êtes-vous arrivé là? Cela ne doit pas être facile d'être différent..."

Sa voix était neutre, légèrement curieuse. Cette-fois, cette question était pour sataisfaire sa curiosité personnelle.

Galaad tourna la tête légèrement vers l’ange, mais sans toutefois ouvrit les yeux. Il appuya sa tête contre le bois du bastingage, et il réfléchit un moment aux raisons qui l’avaient en effet amené à s’engager auprès de la famille royale du Feu. Il les connaissait bien, et c’était en partie pourquoi il y était revenu.

-À l’origine, c’était pour rendre service au peuple qui m’a accueilli. Lorsque j’ai immigré au continent du feu, les gens étaient méfiants envers moi, voire menaçants. Mais à force de bonne volonté, j’en suis même venu à être respecté par les habitants du continent. C’était une sorte de moyen pour leur rendre la pareille.

Il fit silence un moment, réfléchissant aux autres motifs qui avaient pu l’amener à s’engager ainsi.

-Sinon, il y a aussi que la famille royale avait entendu parler de moi par le peuple. J’ai été convié par le roi lui-même à me présenter. Je peux vous dire qu’il a été fort surpris en apprenant que j’étais un drow.

Galaad eut un léger rire.

-Mais il a été le premier à passer par dessus ce détail. Il m’a vite donné sa confiance, et j’ai tout fait pour la conserver.

Il ouvrit les yeux, et regarda Neffarasiel.

-En fait, j’ai été le précepteur du roi Galael.

Neffarasiel écouta sans mots dire le drow, réfléchissant à ses paroles. Ainsi, il avait été convié par le père de Galaël et était même devenu le précepteur de son fils.

- "Vous devriez parler avec Galathée... Je pense qu'elle a besoin de savoir des choses sur son père, surtout venant d'un homme qui l'a connu et presqu'élevé..."

Il s'interrompit, songeur.

- "Sa mort a du vous faire un choc terrible... Mais vous revenez au bon moment. La Reine a besoin d'hommes comme vous."

Il se tut à nouveau, puis d'un mouvement souple, il sauta sur le bastinguage et s'y accroupit, tourné vers l'océan.

- "Quel âge avez-vous Galaad? Pourquoi avez-vous quitté votre partie? A cause de la trahison dont vous parliez tout à l'heure?"

Soudain, il se rendit compte qu'il était totalement indiscret et laissa échapper un petit rire contrit.

- "Désolé, je suis terriblement indiscret. N'y voyez que de la curiosité personnelle. Vous n'êtes pas obligé de répondre..."

-J'ai quatre-cent-cinquante-deux ans.

Il redevint silencieux un moment. Il aurait pu être bien plus renfermé maintenant, mais en y pensant bien, celà lui faisait du bien de se livrer. Celà lui apportait une sorte de soulagement de dire tous ces détails à quelqu'un.

-Et c'est en partie à cause de cette trahison que je suis parti, oui... Cet acte m'a fait perdre momentanément toute confiance envers le peuple des humains.

Il soupira.

-Ils peuvent être si imbéciles parfois...

Il fit silence un moment, réfléchissant maintenant à autre chose par rapport à la famille royale.

-Et c'est lorsque j'ai appris le couronnement de Galathée que je suis revenu. Je ne l'avais pas oubliée. Cette petite fille qui ne montrait presque jamais ses émotions déjà enfant, que j'avais malgré moi pris en affection d'une certaine manière, venait d'être couronnée. Elle est la dernière descendante de la famille royale du feu.

Il redevint silencieux un court moment, le temps de réfléchir une fois de plus à tout celà. Oui, c'était en majeure partie pour Galathée qu'il était revenu, maintenant qu'il y pensait.

-Elle représente pour moi le moyen de me faire pardonner de la mort de son père. Même si je sais bien qu'elle n'est pas vraiment ma faute.

[Edit de Galathée: Et ben dites le tout de suite, mes enfants, que vous me protégez uniquement pour pouvoir vous regarder en face dans le miroir! nan mais vraiment... bon, ok, j'arrête, je m'en vais... pas tapper! ]

Neffarasiel fut surpris par l'âge de l'elfe noir. Evidemmenbt, il ne lui aurait pas donné cet âge là...

- "C'est long... Vous en avez vu défiler des vies..."

Avait-il perdu des amis chers, mais d'une autre race à la longévité amoindrie? Quel effet cela faisait-il de voir passer les siècles en restant soi-même immuable? Il raconta alors qu'il avait connu la Reine enfant et l'image de cette adorable fillette de 3 ou 4 ans lui revint en mémoire. Déjà si grave pour son âge...

C'est alors que la dernière remarque du drow lui arracha un sourire. Ainsi, elle était un moyen de se racheter pour lui... C'était la même chose pour Neffarasiel. Aussitôt, il eut un élan de sympathie pour Galaad. S'il mentait, il mentait excellemment bien.

- "Il semblerait qu'elle attire ceux qui ont quelque chose à se faire pardonner."

Mais ainsi, les deux hommes étaient plus proches qu'ils ne le pensaient et plus aptes encore à s'assigner de la mission qu'ils s'étaient eux-même confiés. Neff descendit de son perchoir avec légèreté et vint s'accroupir à hauteur du drow, avant de lui tendre la main.

- "Comme nous avons le même but et bien d'autres choses en commun encore, je serais honoré de pouvoir vous appelez mon ami."

Sa main était tnedue pour sceller ses paroles et son visage était grave, mais très doux et serein.

Le drow regarda longuement la main tendue de Neffarasiel. Au bout d'un moment, il la serra énergiquement.

-En espérant que celà pourra durer le plus longtemps possible. Disons que moi, j'ai tout mon temps.

Un sourire revint se former sur son visage. En tant que drow, il avait passé peut-être environ la moitié de sa vie. Rares sont les gens de sa race qui atteignaient le millénaire d'existence, mais les sept-cent-cinquante ou les huit-cent ans étaient facilement atteints. Il lui restait effectivement un bon bout de temps à vivre en ce monde. Il servait désormais une troisième génération de la famille royale, et il irait peut-être jusqu'à une sixième, voire une septième, si il comptait bien. Il se releva alors, et répéta ses paroles de plus tôt.

-Vous devirez aller dormir, je crois. Nous arriverons au continent de l'eau demain, et il ne faudrait pas que vous soyez éreinté pour arriver.

Il sourti bienveillamment, et attendit de voir la réaction de Neffarasiel. Peut-être aurait il d'autres questions avant de descendre, après tout...

Un sourire franc éclaira le visage de l'ange quand le drow accepta sa main tendue. Ils se la serrèrent avec énergie. Puis, Galaad l'enjoignit d'aller dormir. Oui, c'était peut-être ce qui avait de mieux à faire. Il se releva en un geste fluide.

- "Oui, il vaudrait mieux que je sois au meilleur de mes capacités demain. Bonne nuit Galaad."

Il s'inclina légèrement, un poing sur le coeur en signe de salut et tourna les talons afin de rejoindre sa cabine. En passant devant celle de galathée, il se demanda si elle dormait. Il secoua la tête et rejoignit sa propre cabine. Il se débarassa de sa chemise et s'allongea dans l'obscurité. Il ferma les yeux, eut du mal à trouver le sommeil, assailli par trop de pensées et quand enfin, il sombra, ce fut avec l'image d'une jolie rousse aux yeux bleus et non plus noirs, dans la tête.

Galaad suivit cette fois Neffarasiel des yeux. Une fois que l'ange fut descendu à son tour, le drow se retourna vers l'océan. Il respira l'air frais du large, et resta un moment dans cette posture, profitant de cet instant de calme serein qu'il n'aurait plus à sa disposition avant un bon bout de temps à partir du lendemain. La mer... Il y avait certain confort dans le calme de l'océan. Pas de passé, pas d'avenir, juste les vagues qui régaient en maîtresses de ce domaine vaste et inconnu. Ce calme et cette sérénité faisaient du bien à l'elfe noir. Finalement, il leva la tête au ciel.

*N'aie crainte, Galael. Je veille sur ta fille*

Il baissa doucement les yeux, et au lieu de descendre à son tour dans ses appartements, il monta à l'arrière di vaisseau. Il alla au fond, et s'assit sur le sol, appuyé sur le bastingage. Il croisa ses jambes, puis ses bras, et ferma les yeux. Sa respiration se ralentit, et ses traits se détendirent lentement. Ses oreilles tombèrent légèrement, et il resta dans cette pose, immobile et invisible dans l'obscurité de la nuit.

(Bon alors c'est pas moi qui vais être celui qui part le matin. Vous aurez qu'à vous lever vous même^^)

(Ca va, ca va, je m'y colle... J'édite ce message quand j'aurais fini!)

La nuit n’avait pas été aussi réparatrice que Galathée l’avait espéré. Elle avait eu un sommeil agité, entrecoupé. Des rêves fantasmagoriques avaient hanté sa période de repos. Ce genre de cauchemars tellement étranges que lorsqu’on s’en souvient, ce n’est que par bribes, et alors ils sont soit très loufoques, soit carrément effrayant. C’est pourquoi la damoiselle, pour effacer les marques de cette nuit blanche, avait passé un certain temps dans sa cabine à recourir à certains artifices féminins, à savoir le maquillage, la coiffure, et la splendeur de ses vêtements. Lorsqu’elle sortit enfin de la chambre qui lui avait été dévolue sur le bâteau, elle avait perdu toute trace de sommeil, mais aussi ce charme enfantin qu’elle possédait sans s’en rendre compte. De la poudre blanche égalisait son teint laiteux, un peu de rose aux joues lui donnaient des couleurs. Ses yeux étaient décorés avec soin d’un trait noir et d’un peu de poudre nacrée. On lui aurait volontiers donné quelques années de plus. Par un étrange cheminement d’esprit, la Reine avait décidé de laisser de côté ses habits de deuil. Elle ne voulait pas que les habitants du continent sur lequel elle allait débarquer dans quelques heures la voient affligée. Enfin… etait-ce vraiment à ce peuple qu’elle pensait, ou bien à une autre personne complètement étrangère à cette foule. Quoiqu’il en soit, la jeune fille, à défaut d’être resplendissante de grâce et de naturel, avait tout l’air d’une belle femme parée pour impressioner. Elle savait en effet que pour leur arrivée en terre étrangère, ses courtisans revêtiraient leurs plus beaux atours, et ne voulait pas être en reste, ce qui eut été déshonorant.

Il n’y avait plus trace de fragilité dans sa démarche, lorsqu’elle mit pied sur le pont, en resserant son étole de soie bleu sur ses épaules. Elle contrôlait son visage, ne voulant pas donner l’impression qu’elle était fatiguée. Il en était de même presque tous les jours. Seulement, même si en apparence elle n’avait guère changé, sa façon de penser et de voir les choses avaient quelque peu été bouleversées par sa soirée de la veille. Elle avait pu faire la connaissance de deux hommes qui paraissaient dévoués, et qui plus est, possédaient une personnalité qui lui plaisait. L’image de l’ange aux ailes blanches et du Drow à la peau sombre en train de discuter, accoudés au bastingage, lui revint distinctement. Quels étranges serviteurs avait-elle trouvé ! Mais ils lui semblaient dignes de la servir, et même d’être ses amis.

Quant aux étranges émotions qu’elle avait ressenti cette nuit là, la souveraine, au réveil, avait beaucoup réfléchi, et après un long dialogue avec sa conscience, avait décidé de mettre cela sur le compte de la fatigue. Elle avait monté en épingle quelque chose de totalement insignifiant, il ne pouvait en être autrement.

Jetant un coup d’œil autour d’elle, la voyageuse ne vit personne qu’elle connaissait, à part les marins qui s’activaient. Le Capitaine arriva, et, après l’avoir saluée, la mena à la proue du navire:

"Voyez, Madame, les côtes de Mairenn sont toutes proches..."

Son ton était déférent, plein d'humilité. Galathée eut une moue appréciatrice, avant d'interroger:

"Quand arriverons-nous, Capitaine?"

Le marin hésita un instant, jaugeant du regard la distance qui séparait le bateau des falaises qu'ils apercevaient au loin, et répondit finalement:

"Nous avons vent-arrière, Majestée, et il fait beau. Normalement, nous jetterons l'ancre d'ici trois heures."

Malgré sa satisfaction, la rouquine ne remercia qu'avec un pâle sourire. Elle était soulagée de mettre bientôt pied à terre, mais appréhendait quelque peu son entrevue avec le maître des lieux...Elle avait mis en effet quelques heures, après leur départ, à s’habituer aux mouvements régulier du navire. C’était la première fois qu’elle utilisait un bateau aussi gros et qu’elle se déplçait aussi loin, aussi n’était-elle pas habituée au roulis dû à l’environnement marin.

Ne se décidant pas à rester innocupée, la fille de roi rentra en coup de vent dans sa cabine, et en ressortit bientôt, tenant à la main une imposante liasse de rapport de toute sorte, qu’elle s’était promis d’étudier avant d’arriver sur la terre ferme, afin d’envoyer dès que possible un messager vers son propre palais. Elle comptait rster plusieurs semaines chez le monarque de ce continent, dont elle espérait se faire un allié, et n’admettait pas de ne pas rester en contact avec ses propres conseillers.

Armée d’une plume et d’un encrier, la princesse s’assit sur le tabouret qu’un des marins venait de lui apporter (prendre place sur un tonneau ou un rouleau de cordage aurait-était totalement ridicule), et entama sa tâche bureaucratique, qui, loin de la passionner, lui laissait le temps entre deux signatures ou corrections, d’observer le va-et-vient des matelots sur le pont.

(Voilà, et si y'en a un qui n'est pas content je le tappe à coup de parchemin! nah! Et oui, j'ai encore pondu un roman, vous m'en voyez désolée...)